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Le mal-aimé : Alien, la résurrection, ou le pire épisode de la saga ?

Par Geoffrey Crété
27 avril 2020
MAJ : 21 mai 2024

Le film de Jean-Pierre Jeunet qui a tant partagé les fans, mérite d’être revu et apprécié pour ses choix audacieux.

Alien, la résurrection : photo

Parce que le cinéma n’échappe pas aux effets modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l’injustice, a créé la rubrique des mal-aimés. Le but : revenir sur un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie.

Place à Alien, la résurrection, souvent considéré comme très inférieur aux trois premiers. Après le chef d’œuvre Alien, le chef d’œuvre Aliens, le retour, le (grand) film malade Alien 3, et avant Prometheus et Alien : Covenant, le quatrième épisode des aventures de Ripley a beaucoup divisé.

Mais il mérite d’être réévalué, et considéré comme un opus majeur, et ionnant.

 

 

 

Poster

« Un film éprouvant, nullement inquiétant » (Libération)

« Il n’y a pas un seul plan dans le film qui puisse émerveiller » (Roger Ebert)

« Pour faire simple, Jeunet était le mauvais choix absolu pour faire ce film » (IGN)

« Si vous lisez une critique pour décider d’aller voir Alien 4, vous ne devriez absolument pas y aller » (Los Angeles Time)

« L’impact émotionnel d’une boule de bowling, au mieux » (San Fancisco Chronicle)

 


 

L’HISTOIRE

200 ans après s’être suicidée (ou 5 ans après Alien 3 ) pour détruire la reine dans son ventre (et mettre fin à la saga), Ripley est résuscitée par de méchants scientifiques du futur. Ils veulent élever et dresser les aliens, qui préfèrent s’échapper pour les étriper. Devenue cynique, franchement bizarre et future entraîneuse de NBA, Ripley considère les aliens comme ses bébés, mais décide quand même de se barrer. Elle ret des pirates de l’espace Firefly-style (Hellboy, Dominique Pinon en fauteuil roulant, Winona Ryder en robot, et quelques Expendables).
Ripley finit par recroiser la reine alien (sa fille, donc), qui donne naissance à un hybride humain-alien (son petit fils, donc), accessoirement albinos. L’horrible bébé préfère l’odeur de Ripley, et décide donc d’éclater la face de la reine. Parce qu’il ne veut pas la lâcher, Ripley est obligée de le tuer avec les moyens du bord (aspiré par le vide spatial à travers un trou qui met à jour ses boyaux). Ripley retrouve enfin la Terre.
(Fin alternative : la Terre a été atomisée, et elle découvre Paris en ruines). 

Photo Sigourney WeaverTout brûler et recommencer

 

LES COULISSES

Peu importe si Ripley est morte dans David Fincher qui s’est battu contre le studio, au point de quasi renier le film depuis. La Fox ne veut pas abandonner le xénormophe aux œurs d’or.

L’idée de développer un film centré sur un autre personnage que Ripley est bien sûr étudiée et testée. Buffy contre les vampires en plus d’être un script doctor réputé, est engagé pour écrire un scénario. Il expliquera à In Focus en 2005 : « L’histoire d’Alien, la résurrection est plutôt tordue parce que j’ai écrit un traitement de 30 pages pour un film différent. Ils voulaient faire un film sur un clone de Newt en héroïne. Parce que j’avais fait quelques films d’action et Buffy, ils se sont dit que je savais écrire des personnages de filles ado et des scènes d’action, donc donnons-lui sa chance. La franchise était quasi morte, j’ai écrit un traitement et ils m’ont dit, ‘C’est vraiment bien. On veut relancer la saga. Mais on veut Ripley. Jette tout ça’. Cette version était ma préférée. Je pense que c’était une histoire mieux structurée que celle que j’ai finalement écrite. »

 

Photo Sigourney Weaver, Carrie HennGet away from the franchise you bitch

 

Plusieurs versions existeront avant celle que le studio validera, avec plusieurs fois un climax qui se déroule sur Terre. Whedon expliquait : « Il y a eu cinq versions. Et c’était toujours ‘Le réalisateur a une autre vision’ ou bien un problème de budget. (…) La première fin, c’était dans dans une forêt avec une batteuse volante. La deuxième, dans une décharge futuriste. La troisième, dans une maternité. La quatrième, dans le désert. A ce stade, c’était une question d’argent, et j’ai dit, ‘Ce désert ressemble à Mars, ce n’est pas la Terre. Ca ne va pas donner de sensations au public’. Mais j’ai quand même écrit la meilleure fin que je pouvais dans un désert. Et au final, ils m’ont dit, ‘Bon, en fait on pense que ça ne sera pas sur Terre du tout’. Donc je leur ai juste filé des dialogues et des trucs, mais je ne me souviens pas avoir écrit, ‘Une espèce de Pumpkinhead ridé et flétri se frotte à Ripley’. A peu près sûr que tout ça n’a jamais existé dans mes versions’. Bref, Joss Whedon n’est pas vraiment satisfait des choix du studio et Jeunet.

Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, mais s’envole pour Los Angeles.

 

Photo , Judith Vittet, Ron PerlmanRon Perlman, de retour dans Alien pour Jeunet

 

Son co-réalisateur Caro, avec qui il a aussi fait La Cité des enfants perdus, commence à plancher sur le film, dessine des costumes et apporte des idées, mais ne reste pas longtemps. « Caro n’aime ni le soleil, ni conduire. À Los Angeles, il était mal barré. Il est quand même venu sur place, a commencé à dessiner les costumes, mais les contraintes imposées par le studio l’emmerdaient », racontera Jeunet à L’Express.

Sur Culture, en 2020, Caro racontera : « Jean-Pierre a été appelé pour ce projet, et il m’a appelé pour lui filer un coup de main. Je me suis dit, ‘Ah super ! Je peux faire la créature ?’. Non, c’était déjà pris en main par les mecs qui faisaient les animatroniques et tout ça. Les vaisseaux spatiaux alors ? Non, y’a un anglais qui s’en occupe. Donc je lui ai demandé, en quoi puis-je t’aider ? Et c’était les costumes. J’ai pu lui filer un petit coup de main sur les costumes. A vrai dire, je trouve qu’il y a que celui de Dominique Pinon, le fauteuil roulant tout ça… y’a des petits bouts comme ça, c’est ce qui reste des travaux que j’ai pu faire. Mais j’étais même pas sur le tournage, j’ai filé un coup de main en préparation.

Et globalement, la Fox laisse Jeunet s’approprier l’univers. Avec une vraie liberté selon le réalisateur, il amène sa touche décalée, reprend ses collaborateurs habituels (Darius Khondji à la photo, Pitof aux effets spéciaux, sa muse Pinon), et accepte sans sourciller de grosses coupes pour des raisons budgétaires (comme un plan de moustique qui se désintègre après avoir piqué Ripley). Le budget de 70 millions est plutôt confortable, même si Jeunet ne parle pas un mot anglais.

 

Photo Jean-Pierre JeunetWinona Ryder et Jean-Pierre Jeunet sur le tournage

 

LE BOX-OFFICE

Alien : Covenant (environ 75 millions).

Au box-office mondial, le quatrième opus dée les 160 millions de recettes. Là, c’est un bon score, dans le sillage d’Alien 3.

Depuis, Joss Whedon n’a pas caché son profond mépris pour un film qui, selon lui, a détruit son scénario : « On raconte l’histoire avec le casting. Un des personnages devait se révéler fou, et qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont pris Brad Dourif. Donc il n’y a plus de surprise. Brad est un bon acteur mais il a été cantonné à ces rôles. C’est juste un exemple mais il y en a des milliers dans le film. » (Il dira la même chose à propos du X-Men de Singer, qui n’aurait pas compris comment interpréter ses dialogues censés être drôles).

 

Alien 4Comité d’accueil

LE MEILLEUR

Naturellement et résolument construit en opposition aux trois premiers épisodes, La Cité des enfants perdus a donc apporté avec lui son bric-à-brac pour poser son empreinte sur les xénomorphes, dans ce qui est la tradition de la saga. Le quatrième épisode trouve donc (presque) parfaitement sa place dans la saga en obéissant à la règle d’or de la série : offrir la bête à un réalisateur, et le laisser remâcher et tordre la mythologie à sa guise, selon son univers et ses obsessions.

 

photoUne renaissance fascinante et tordue pour Ripley

 

La lumière fabuleuse de Alien, la résurrection une ambiance particulière, à la fois étrange et déstabilisante, moins préoccupée par l’idée de créer la peur que celle de tordre le mythe. D’où une suite d’images et créations étonnantes, où le xénomorphe n’est plus caché dans l’ombre mais exposé avec sa bave brillante, jusqu’à un rejeton final qui aura profondément remué l’esprit du public – et des fans. La superbe musique de John Frizzell est un atout pour cette ambiance.

Impossible de ne pas saluer l’interprétation de Sigourney Weaver, qui prend un plaisir manifeste à réécrire une Ripley sensuelle, reptilienne et à des années lumière de l’Ellen appréciée des fans. Voir l’héroïne métamorphosée en créature ambivalente, faussement innocente et vraiment effrayante, donne une touche nouvelle et riche à la saga.

 

photoDe l’alien en CG-aïe

 

LE PIRE

Mais le quatrième épisode souffre d’un scénario très plat qui, après une première partie excitante, avance en pilotage automatique avec des péripéties, personnages et twists pas toujours convaincants, voire utiles (Call, qui ressemble plus à un clin d’oeil aux fans qu’à un vrai outil dramatique ; d’où son prénom qui commence par un C, après Ash et Bishop).  

Pour une scène excitante (Ripley face à ses clones : une séquence que le studio a tenté de retirer, mais pour laquelle Weaver s’est battue), il y a un moment absurde (Michael Wincott qui s’aventure seul dans un couloir pour se faire tuer, parce qu’il a… entendu un bruit ?). Si bien qu’au final, Alien, la résurrection est loin d’offrir une aventure totalement convaincante. On peut même dire qu’avec son climax comico-gore (au mieux très bizarre, au pire raté), c’est le seul épisode à ne pas avoir un dernier acte explosif.

D’autant que contrairement au cas Alien 3, renié par David Fincher après une production cauchemardesque (la version longue révèle quelques ionnantes pistes sur ce qu’aurait pu être le film), le quatrième épisode n’a rien de plus que ce qu’il y a à l’écran : Jeunet a affirmé que la version sortie en salles était son director’s cut, qu’il a livré le film qu’il voulait et que les quelques scènes coupées (dont une qui fait référence à Newt) n’étaient que du bonus pour les fans.

 

Alien 4Quelques choix… étonnants

 

LA SCENE CULTE

 

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Pentaro
Pentaro
il y a 7 mois

Après avoir vu Romulus je me suis lancé dans un re-visionnage de toute la saga.
Franchement pour moi le 4 reste le pire et de loin, même le tant décrié Covenant est mieux.
Faire revenir Ripley en clone c’est déjà pas une bonne idée mais surtout la façon de le faire est catastrophique. La scène de basket est hors sol et n’a rien à envier à celle de catwoman.
L’équipe des « pirates de l’espace » est complètement ridicule.
Vraiment on dirait une parodie par moment, ça fait téléfilm du jeudi aprem en période de vacances scolaires.
Comment peut on er des 3 premiers films à ça …

Simao
Simao
il y a 1 année

Je l’ai revu hier. J’ai revu ça note un peu à la hausse mais bordel je ne comprendrais jamais que des gens le placent au-dessus du 1 et du 2. Vous avez fumé ? Encore qu’il soit au-dessus du 3 je veux bien, même si pour moi il est en dessous. Je n’ai jamais eu peur avec Jeunet alors que c’est l’essence même de la saga. Dans le 1 et le 2 tu as constamment la pression, tu as peur car il y a beaucoup de silences marqués. Ici c’est comico-horrifique ce qui ne colle pas Alien car Alien ce veut sérieux, sinon je préf!re aller regarder Planet Terror qui pour le coup est une perle comico horrifique.

Tout n’est pas à jeter notamment l’aspect de l’Alien humain à la fin qui est en même temps attachant avec ses yeux de chats mouillés et également répugnant/dérangeant. C’était sympa de voir une RIpley ultra confiante. Par contre paie ton excuse bidon pour trouver l’adn qui permet de cloner ripley.

Bref, j’avais déjà cette opinion il y a 20 an et ça n’a pas changé. Le moins bon de la saga.

Stef 31300
Stef 31300
il y a 1 année

Alien résurrection et fun innovant intelligent, ça bouge! Un de mes préférés!

Koma
Koma
il y a 3 années

Le 4 est mon préféré de la série…
Comme quoi, y’à de tous les gouts 🙂

Laurent SFN
Laurent SFN
il y a 4 années

J’aime bien cet opus, je trouve que le style burlesque, dérangeant et bizarroïde de Jeunet se marie finalement assez bien à l’univers Alien qui s’est toujours beaucoup pris au sérieux. Par contre il y a un truc qui me dérange dans l’histoire de base et qui n’est pas très bien expliqué. Ripley a été clonée à partir d’échantillons de sang retrouvés sur Fiorina 161, donc sans doute récupérés dans la capsule de sauvetage ou après une prise de sang du Dr Clemens quand elle était dans le coma. Cela signifierait logiquement que Ripley (ou plus précisément son « clone ») a tout oublié des évènements s’étant déroulé sur cette planète.

l.noel734@laposte.net
il y a 4 années

De loin le meilleur épisode de la saga avec le premier, l’ambiance du lieu du troisième épisode est plutôt bonne aussi..
Je comprends que les goûts sont purement subjectif, et qu’on puisse ne pas aimer Resurrection, mais le trouver plus mauvais qu’Alien le retour, c’est vraiment possible ??

L’ambiance est superbe, les décors du vaisseaux, les aliens, le charisme animal de Ripley et la relation presque charnelle qu’elle entretien avec ses « frères » xénomorphes, tout en les décimant sans faire dans l’émotion car ayant par moment son instinct bestial prenant le pas sur son humanité.. pour moi Alien Resurrection est excellent.
Je n’irais pas dire que je le préfère au premier, car c’était la découverte, maiiis.. presque !

rrific
rrific
il y a 4 années

Tant les trois premiers partagent une bonne place dans mon estime, tant cette version est déplorable.
Je ne sais pas si c’est l’univers à l’Amélie Poulain version glauque ou Delicatessen qui me rebutent, quoique, c’est facile de répondre, le premier, je l’ai apprécié, le second, le scénario était très vide, tout comme cet opus.
Jean-Pierre Jeunet a surfé sur ce qu’il sait faire, il y a ajouté une part de clonage (époque Dolly) pour mettre sa patte sur un univers qui ne voulait surement pas de son sens artistique TRES/TROP particulier.
C’est un peu comme si on avait demandé à Tim Burton de faire un Alien, je pense que nous aurions tous été déçus.
Bref, ça restera un navet, qui ne fera jamais réellement partie de la saga Alien.

Canoleon
Canoleon
il y a 4 années

Moi je l’ai toujours bien aimé celui ci, même s’il est loin d’être parfait. Je le trouve en tout cas bien meilleur que le navet de Cameron qui servait de numéro 2…

JayUp
JayUp
il y a 4 années

Le pire de la saga.
Nous sommes très loin des deux premiers chefs d’œuvres.
On pourra s’en er volontier de cet opus qui n’a pas sa place dans cette saga.

Hugues
Hugues
il y a 4 années

Vu au cinéma, j’ai beaucoup aimé cet épisode Alien, dont le scénario est bien plus subtil qu’un Alien 2 par exemple. Le personnage de Ripley est magnifiquement interprété, cynique, complexe. Il y a de l’