Pas de mariage, mais un enterrement
Le Journal de Bridget Jones et sa suite, L’Âge de raison, s’imposent plus que jamais en capsules temporelles des années 2000. Leur humour piquant et leur romantisme béat, à mi-chemin entre l’hommage moderne et la déconstruction du modèle de Jane Austen, ont synthétisé tout un âge d’or de la comédie britannique. Pas étonnant quand on sait que Richard Curtis (auteur de Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill ou encore Love Actually) en a été le scénariste.
De ce mélange de charme et de gaucherie – qui a fait le sel des pérégrinations de son héroïne – est restée une tension : d’un côté, ce retour hilarant vers le réel, dans tout ce qu’il a de maladroit, peu glamour mais d’universel ; et de l’autre, cette indécrottable soif d’amour toute cinématographique, avec ses codes et ses clichés croqués à pleines dents.

Aucune envie ici de trop changer le moule. Si ce n’est pour un plan-séquence plutôt inventif autour des voix contradictoires qui assaillent Bridget, la mise en scène est au mieux fonctionnelle, quand elle n’est pas parasitée par les clins d’œil forcés d’une écriture boulimique. On pourra toujours mettre ce trop-plein sur le fait que le long-métrage a pour fil rouge la charge mentale d’une mère de famille en quête d’équilibre. Cependant, Bridget Jones 4 a le malheur de s’appesantir de sous-intrigues laissées à l’abandon, qu’il s’agisse d’une babysitter trop parfaite ou de la soudaine maladie de Daniel, qui oblige l’éternel séducteur incarné par Hugh Grant à envisager le gâchis d’une vie solitaire.
Tout ça se voit réglé en deux temps trois mouvements dans un ensemble étonnamment épars, mais moins programmé qu’il n’y paraît. Après tout, il y a bien un postulat fort dans Folle de lui : le décès de Mark Darcy (Colin Firth), qui contredit le conte de fées habituel des comédies british. Jusqu’à ce que la mort les sépare… et après ? Il faut bien repartir de l’avant.
L’âge de raison ?
Cette cassure inattendue avec les précédents volets fait de Bridget Jones 4 un film hanté par les fantômes du é, et la difficulté de quitter l’œil du rétroviseur. Alors que la comédie romantique retrouve un soubresaut moderne inspiré par les classiques des années 2000 (le succès de Tout sauf toi, ou le récent Jane Austen a gâché ma vie), Bridget Jones (le film et le personnage) a conscience de sa désuétude, et tient à l’implémenter dans cet ultime tour de piste de l’écriture “à la Richard Curtis”.
L’époque a changé, le rapport à l’amour aussi. D’abord peu attirée par les applications de rencontres (ses collègues l’inscrivent sur Tinder), Bridget se prend au jeu de cette redécouverte de la drague, en évitant soigneusement un discours de vieux con attendu sur l’évolution des mœurs, ou une fétichisation d’un é loin d’être totalement sain selon nos standards actuels. Au contraire, la saga retrouve de sa tendresse des débuts, en observant les déboires d’une femme qui essaie de se dépatouiller face aux diktats du moment, ou à l’image qu’on attend d’elle.
Sur ce point, il convient d’ailleurs de préciser que la bande-annonce du film trompe sur la marchandise, en supposant le dilemme cornélien de la protagoniste face à deux nouveaux prétendants : le jeune Roxster (Leo Woodall), qui embarque Bridget dans une relation “May-December” (expression anglaise pour souligner un écart d’âge significatif) et Mr. Wallaker (Chiwetel Ejiofor), l’un des professeurs de ses enfants.
Folle de lui préfère au contraire s’attarder sur différents chapitres de la nouvelle vie de Bridget Jones, portée par la performance toujours aussi irrésistible de Renée Zellweger. Il y est moins question des choix que du tâtonnement de Bridget, que le film aborde avec bienveillance, dans une déculpabilisation de son désir romantique et sexuel.
Loin d’être la mère de famille parfaite, qui s’inscrit aux sorties scolaires et prépare des gâteaux pour la tombola de l’école, l’héroïne créée par Helen Fielding reste fidèle à elle-même, et apprend à composer avec son deuil douloureux. Si ce regard désenchanté ne se prive pas de séquences beaucoup plus attendues, voire un peu ringardes, une page se tourne, au même titre que celle d’une certaine comédie britannique. Parce qu’il est conscient de la fin de cet âge d’or, transformé en âge de raison, Bridget Jones 4 parvient régulièrement à émouvoir, et même à tirer quelques larmes. On n’en attendait pas tant.

4 ????
J’apprends en même temps qu’un 4 sort, et qu’un 3 l’a été aussi ! Trop d’infos d’un coup…