TROPHÉE DE CHIASSE
On peut au moins reconnaître une chose à ce Sony’s Spider-Man Universe, renommé SonyVerse ou plus affectueusement « l’univers-Spider-Man-sans-Spider-Man » : il a repoussé les limites de l’exercice critique sur Ecran Large. En 2018, le premier Venom avait écopé d’un 1/5, ce qui était alors considéré comme la note la plus basse qu’on se permettait pour ne pas trop salir notre karma. Ça n’a pas duré longtemps puisqu’en 2021, Venom 2 a reçu un 0,5/5, tout comme Morbius en 2022, puis Madame Web et Venom 3 en 2024. De l’importance d’être constant.
Au milieu de cette galerie des horreurs, Kraven the Hunter viendrait presque remettre les pendules à l’heure, et dominer cette flaque d’eau croupie. Le vilain de l’univers Spider-Man, créé par Stan Lee et Steve Ditko en 1964, était l’un des rares Sinister Six à ne pas encore avoir eu l’honneur et surtout le déshonneur d’exister au cinéma, contrairement à ses collègues Vautour, Electro, Rhino ou encore Mysterio. Il avait été teasé à la fin de The Amazing Spider-Man 2, avait failli apparaître dans Black Panther, et une version de Spider-Man : No Way Home aurait même pu être construite autour de lui.
Kraven le chasseur a finalement droit à son film solo, avec un miracle au générique : la présence d’un bon réalisateur, J.C. Chandor (Margin Call, All is Lost, Triple frontière, A Most Violent Year), pour diriger Aaron Taylor-Johnson et sa panoplie complète d’abdos, et avec un budget estimé à 110 millions – équivalent des Venom. À la surprise générale de personne, ce n’était pas la preuve que les producteurs avaient décidé de rectifier le tir avec un blockbuster digne de ce nom, loin de là.

CONS BAISERS DE RUSSIE
La porte était pourtant grande ouverte pour que Kraven the Hunter e dans le grand-guignol assumé. Entre l’intro du film avec le thème d’À la poursuite d’Octobre rouge composé par Basil Poledouris (parce qu’on est en Russie), l’accent russe de Russell Crowe (qui aura cachetonné à tous les râteliers, entre le DCEU, le MCU et le petit ange parti très tôt du Dark Universe) et Aaron Taylor-Johnson qui prend l’incontournable pose de mannequin-abdos-reluisants au bout de cinq minutes (Jared Leto avait attendu plus longtemps dans Morbius), les étoiles du popcorn étaient alignées.
Du côté du scénario signé Richard Wenk (les récents Equalizer, Expendables 2, Jack Reacher 2), et Art Marcum et Matt Holloway (Uncharted, Transformers 5, Men in Black International), le niveau de je-m’en-foutisme est formidable. Les coïncidences aberrantes et les échanges lunaires s’enchaînent pour arranger l’intrigue, quitte à créer des situations absolument magiques. Le personnage de Calypso est la grande gagnante dans ce concours du rire, avec une poignée de scènes toutes plus nulles les unes que les autres, où la pourtant talentueuse Ariana DeBose joue la potiche de luxe.

Mais ça n’est rien comparé aux grands méchants de Kraven the Hunter, qui invoquent les demi-dieux du ringard. De toute évidence égaré, Christopher Abbott joue à un, deux, trois soleil version David Copperfield, et au-delà des fantastiques lunettes de soleil datant des années 2000, rien ne sera expliqué sur ce personnage.
La palme revient néanmoins à Alessandro Nivola, qui coexiste avec le Matt Smith de Morbius dans le multivers du cabotinage, notamment dans une crise de colère potentiellement inspirée par Louis de Funès. Et quand ce grand vilain se transforme enfin en Rhino dans la baston finale, Kraven the Hunter tutoie des sommets de laideur invraisemblable. Mais c’est trop peu, et trop tard, puisque tous ces éléments sont dispersés dans un film sinon trop sérieux, trop fade et trop bavard.
CHASSE À COURT D’IDÉE
Avec J.C. Chandor à la barre, c’était logique que Kraven the Hunter soit ancré dans un monde un peu plus réaliste et brut – pour ce que ça veut dire dans une telle superproduction, où l’utilisation de fonds verts pour tout et n’importe quoi défie le bon sens. Hormis quelques éclats de kitsch qui portent le sceau du bricolage en post-production (les visions fantasmagoriques de Kraven sous forme de fonds d’écran trouvés sur le Facebook de tonton), le film s’accroche ainsi aux paysages extérieurs, pour contrebalancer les décors urbains habituels.
Mais Kraven the Hunter reste exagérément fade et grisâtre, dans des proportions tellement folles que la Tanzanie, la Sibérie et Londres sont compressés dans une même palette de couleurs triste à en pleurer. Le directeur de la photographie Ben Davis est un habitué du genre, capable du meilleur comme du pire chez Marvel (Les Gardiens de la galaxie, Avengers 2, Doctor Strange, Captain Marvel, Les Éternels). Ici, c’est un énième blockbuster qui décline les cinquante mille nuances de gris.
Même inspiration dans les scènes d’action, qui ponctuent timidement les deux bonnes heures de ce film ultra-bavard. Quand la cascade la plus amusante de ce super-chasseur ressemble à un remake de Captain America 2, c’est qu’il n’y a plus grand-chose à espérer.
Dans le premier climax, Kraven se transforme en sous-Wolverine dans une forêt aussi mal exploitée que le reste, avec quelques mini-affrontements réglés en quatrième vitesse, avant un combat final évidemment hideux. Nul doute qu’il y a eu des coups de tronçonneuse dans cette partie, notamment avec la séquence de cauchemar à peine assumée ou le rôle abominablement nul de Calypso, qui disparaît dans un aveu d’échec finalement très drôle.
Et inutile de s’éterniser sur l’argument du Rated R (interdiction aux moins de 17 ans aux États-Unis), désormais brandi pour faire saliver un public que les studios considèrent comme des veaux. Les plans sanglants ou violents de Kraven the Hunter peuvent se compter sur les doigts d’une main, et sont tellement utiles qu’ils pourraient être coupés sans rien changer.

Le spectacle se termine avec la promesse d’un nouveau méchant (évidemment ridicule) et de nouveaux lendemains (évidemment improbables vu le bide stratosphérique de ce Kraven). Il n’y a pas de scène post-générique mais il suffit de revoir les bandes-annonces pour constater quelles images sont absentes du film, et quel était le seul endroit où elles pouvaient exister. Jusqu’au bout, du rafistolage et des bouts de scotch pour cacher la misère.
Kraven the Hunter sera t-il le dernier de son espèce ? Vu le succès des Venom et le filon Spider-Man, le studio va sûrement entreprendre d’autres numéros d’enfumage, en prétendant qu’il n’y avait aucun projet d’univers partagé avec Morbius, Madame Web et Kraven. C’est certainement la cascade la plus périlleuse de toute cette « saga ».

Je viens de le voir, qu’est ce que c’est laid bordel ! Je plussoie ce qui est dit dans la critique. Au delà du scénario et des personnages ringards, c’est la laideur du film qui m’a marqué.
Tellement mollasson ce film, aucune scène d’action sympa, beaucoup de dialogues pas très fameux, un héros naze, un méchant naze en sac à dos et puis c’est pas beau du tout. Vu il y a une semaine à peine et je ne m’en souviens déjà presque plus. Juste après j’ai vu The Flash (grosse soirée ouais…) et bah c’était nul (vraiment vraiment nul) mais au moins il se e des trucs. Bref encore de bien belles réussites super-héroïques…
– « Kraven the Hunter..? il voit un truc qui bouge, bon, il tire… »
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Pour ce film de commande, J. C. Chandor semble avoir écouté les critiques de « Triple Frontière » qui lui reprochaient son manque d’énergie, lui qui n’a pas vraiment envie de sublimer la violence.
Une barrière vient donc de tomber… mais peut-être aurait-il dû aussi écouter les critiques faites au pseudo Sony’s Spider-Man Universe ?
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Étant donné que les films qui ont été produits à partir de rogatons de la franchise comics Spider-Man, ce sont des blockbusters standardisés selon le même principe, en fin de compte : tous comportent littéralement des variations létales de Spider-Man.
Venom, Morbius, Ezekiel et les (brèves) Spider-Women… maintenant Kraven, attendu depuis des années, teasé avec le Rhino à la fin de « …No Way Home », et avec une nouvelle origine basée elle aussi sur… une morsure et une formule spéciale.
Dans les faits, ce sont tous des individus qui peuvent soulever des trucs très lourds, briser des murs de briques, résister aux gros chocs, grimper aux murs ou planer sur la ville… et tuer leurs ennemis, au contraire de Peter Parker.
Seules leurs motivations divergent, même si celles-ci ne représentent pas toujours un grand intérêt – d’où aussi bides au box office.
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Donc ce film peut se voir comme une continuation de « Triple Frontière », Chandor prenant toute une heure pour introduire les personnages (d’un hommage maladroit à John McTiernan, à une longue partie adolescente). Et y critiquer plus ouvertement la masculinité toxique à base d’éducation abusive, de « loi du plus fort », « dominer les faibles », « ne pas hésiter à prendre ce qu’on désire » (c’est ça l’Amérique pour certains immigrés)…
Toujours une métaphore impérialiste, pas du tout subtile, mais c’est raccord avec les personnages – et rien à fiche de leurs accents russes, on n’est pas non plus dans un documentaire sérieux.
Sergei Kravinoff étant un contrepoint, imposant une virilité plus équilibrée, moins oppressante, tout en n’étant sûrement pas un Bisounours. Pendant que le frère Dimitri Smerdiakov représente une masculinité plus sensible et « fluide » – comme souvent, ces réinventions auraient pu faire de bons comics.
De fait, le film essaie d’atteindre deux objectifs distincts, mais qui finissent par se redre dans leurs limites :
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D’abord, crédibiliser un chouia des vilains de comics créés il y a des décennies, et quasiment ringards depuis longtemps. Kraven ne pouvant plus être un collectionneur d’animaux morts, non pas parce que « c’est pas bien », mais surtout parce que, raconté à notre époque… c’est juste con et inutile d’avoir ces trophées. Car on sait très bien aujourd’hui que ces bêtes sont en voie de disparition, et qu’il n’y a plus rien de noble à les chasser… si le protagoniste en titre n’est pas capable de comprendre ça, on n’aurait même pas envie de le suivre tellement il serait idiot. Et il n’est pas non plus un écolo sympa, protecteur des bêtes etc, mais plutôt un guerrier qui a son propre code de conduite (toujours les limites Chandoriennes).
Par contre le père de Sergueï, Nikolaï, peut se permettre d’être ce genre d’individu réac et oppressant. Et Russell Crowe est suffisamment crédible pour jouer un « Kraven d’antan », même si son épaisseur physique reste un problème.
La réinvention des ennemis Marvel en mafieux plus qu’en vilains cambrioleurs, elle permet là aussi au réalisateur de montrer tout ce qu’il avait éludé dans « A Most Violent Year » – y compris avec la présence clin d’œil de Alessandro Nivola et Christopher Abbott, ce dernier portant à un moment donné le manteau en poils de chameau de Oscar Isaac.
Mais comme dans « Triple Frontière », il n’arrive pas toujours à doser des éléments contradictoires, et ça concerne aussi le deuxième objectif.
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Parce que le Kraven qu’on nous montre à l’écran, c’est aussi une sorte d’actualisation de… Steven Seagal. Ce qui revient à le dévitaliser, puisque c’est impossible de cautionner tout ce que faisait l’homme au catogan. 😅
Certes Aaron Taylor-Johnson (pas un grand acteur) est un peu plus expressif que Steven, et bien plus véloce… mais ainsi, il en devient moins drôle, y compris quand il exprime sa philosophie de vie, et quand il fait de l’esprit – ça tombe bien sûr à plat.
Comme Steven, il est super fort, quasi invincible, il a une réputation de tueur impitoyable (seulement avec les truands bien sûr), il défonce des gus grotesques un par un avec une exagération jouissive… seulement comme il a des super pouvoirs félins (pas trop loin de certaines versions des comics), c’est moins réaliste, moins brut – et c’est toujours ridicule quand un film nous montre un humain marcher à quatre pattes.
Sa réputation ne repose sur rien de connu (contrairement à Steven, désigné comme « membre des forces spéciales, capable de tout et n’importe quoi etc »), ce qui fait que ses ennemis ne flippent pas du tout à l’idée qu’il leur tombe dessus, puisqu’il n’est qu’une petite légende urbaine.
Et surtout… il ne couche pas avec la fille ! Alors que c’est Ariana DeBose tout de même. C’est pas comme si on était dans « Terrain Miné » !
Qu’est-ce que vous voulez, la « galanterie » des années 80, ça n’était rien d’autre qu’un fantasme – par ailleurs, la Calypso des comics aussi.
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Et même s’il y a quelques jolis plans (la silhouette du jeune Kraven au milieu de la Savane)… même si c’est marrant de voir, par exemple, un mec se faire couper en deux vite fait à partir de l’entrejambe… ça reste du R Rated avec beaucoup de numérique visible. Pas assez frappadingue ou excentrique pour devenir une Série B dégénérée, donc jouissive – pour ça il aurait mieux valu ne pas essayer de caractériser les personnages, et jouer à fond l’action bête et méchante, le film de fafs complètement assumé.
Surtout avec un Tarzan-Rambo survitaminé (la longue course-poursuite pieds nus à Londres ?!), une scène d’hallucination arachnéenne qui aurait mérité de durer plus longtemps, un Rhino hulkien moins bête que l’original, un Étranger (pas la version cosmique) aussi opaque que dans les comics, et quelques pistes narratives promptes à être développées un de ces jours (un fournisseur de pouvoirs très connu).
Ce qui n’arrivera peut-être pas. Ni dans une suite, ni dans l’Arlésienne « Sinister 6 », pensée par Sony comme un « Avengers » du mal, leurs personnages devant avoir suffisamment été développés avant de succomber à la tentation d’aller chasser l’Araignée.
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C’est là qu’on retrouve un peu du cinéma de J. C. Chandor, in fine, lorsqu’une victime décidera de se métamorphoser en individu avide, et un autre en héritier légitime malgré lui…
Confirmation que l’on ne peut pas échapper au Crime quand on l’a côtoyé de trop près ? Condamnés par l’atavisme ?
La réponse, on l’a dans les comics. Au cinéma par contre, ça reste ouvert… comme à la fin de tous les films de ce réalisateur.
On ne peut pas écrire à propos de « Mufasa… » et « Sonic 3″…
Censure ?
Les griffes acérées de Craven. Rick Hunter et la crinière de Dee Dee McCall.
Ce Kraven ne rivalise pas même pas avec l’ère de la VHS.
On ne peut pas écrire à propos de « Mufasa… »
J’hésites à cause des abdos de Taylor-Johnson. Littéralement le seul argument de ce film ^^
Il y’a les mauvais chasseurs et les bons chasseurs
Mi molle donc
Allez vérifier
vous êtes pas sympa avec votre lectorat 🤣