LES BÊTES DU NORD SAUVAGE
La Légende d’Ochi, c’est un peu comme si Miyazaki. L’E.T. en question est une parfaitement mignonne boule de poil qui donne son titre au film : les Ochi, des créatures mystérieuses et mystiques, considérées comme une menace par la population locale. Les personnages de Wes Anderson, c’est un groupe d’enfants plus ou moins grands et menés par Willem Dafoe (évidemment), qui se retrouve en armure de chevalier parce que pourquoi pas.
Et les paysages, ce sont les montagnes sauvages d’une île des Carpates, entourant un petit village isolé et coupé du monde. C’est là que la jeune héroïne, Yuri, se lance en quête du sanctuaire légendaire des Ochis, par-delà les forêts, les rivières et les dangers de ce royaume craint par les humains. Et c’est là qu’Isaiah Saxon plante le décor de son premier film.
Avec son acolyte Sean Hellfritsch et sous le nom d’Encyclopedia Pictura, Isaiah Saxon avait été remarqué grâce au clip de Knife pour Grizzly Bear, qui leur ont permis de décrocher la réalisation de Wanderlust pour Björk. Et cette petite merveille créée avec des marionnettes, des acteurs, des miniatures et divers effets, où la chanteuse traverse des paysages fantastiques de montagnes avec un curieux sac à dos, représentait déjà très bien la note d’intention de La Légende d’Ochi.
SI C’EST OCHI J’Y VAIS AUSSI
C’est d’abord la beauté époustouflante de La Légende d’Ochi qui fait frétiller le cœur et les yeux. La musique de David Longstreth, la photographie d’Evan Prosofsky, et la direction artistique au sens large : c’est comme un sortilège qui s’empare de l’écran dès les premières scènes, durant lesquelles Isaiah Saxon ouvre en grand les portes de son petit monde, avec un étonnant souffle épique dans ces forêts mi-belles mi-effrayantes.
Il y a bien sûr la magie du bébé Ochi, qui prend vie grâce à sept marionnettistes permettant à la boule de poil d’interagir avec l’héroïne. Baby Yoda est certes é par là, mais le tour de force est d’autant plus impressionnant ici que le film a coûté 10 millions de dollars, et demandé six années de labeur. Des deux-cent matte paintings aux quatre costumes d’Ochi adultes avec les têtes en animatroniques, en ant par un formidable design sonore, c’est un travail qui laisse bouche bée, surtout pour une production de cette envergure (le film a été produit par AGBO, la boîte des frères Russo, et distribué aux Etats-Unis par A24).
Mais La Légende d’Ochi n’est pas une bande démo technique. Le bébé Ochi aurait fait tache si le film n’avait pas été entièrement pensé pour qu’il trouve sa place dans un monde où tout est un peu trop étrange, un peu trop coloré, et un peu trop alien. Rien que la réjouissante scène du supermarché, qui se transforme en course-poursuite absurde à toute vitesse, annonce la couleur de cette épopée.
Et à chaque fois que l’aventure s’arrête pour une respiration plus intime, elle se concentre sur le principal : la relation entre ce mini Ochi et la petite Yuri, incarnée par Helena Zengel. Dans ces moments en suspens, où la fille et la bête essayent de communiquer et s’apprivoiser, la magie est totale. Les regards, les poils, les sons et les gestes de la créature forment un miracle, qui existe dans les yeux de l’héroïne – et donc, ceux du public. Et là, La Légende d’Ochi touche du bout des doigts une certaine idée du meilleur des merveilleux. Celui qui semble tellement vrai, qu’on en oublierait que tout est faux.
OCHI SIMPLE QUE ÇA
Mais La Légende d’Ochi reste malheureusement prisonnier de son coffre à jouet de petite fable. Tant que les ingrédients sont séparés, l’illusion fonctionne. L’héroïne traverse les montagnes en nouant un lien incroyable avec le petit Ochi, le père Willem Dafoe la piste avec son club d’enfants perdus où Finn Wolfhard fait mine d’avoir quelque chose à jouer, et la mère Emily Watson rappelle qu’elle n’a pas besoin de grand-chose pour être intense. Et à mesure qu’ils se dirigent vers la mystérieuse destination, la promesse est exaltante parce que tout semble possible. Parce que le crescendo a été parfait jusque là.
Puis vient le moment où il faut er à la caisse. Et là, le film s’écroule gentiment. Tout le monde a beau être en place dans un décor magnifique, ça ne prend pas, la faute à une exécution beaucoup trop grossière où la lourde symbolique de chaque élément devient mille fois plus artificielle que n’importe quel Ochi à l’écran.

Les personnages sont alors réduits à de tristes marionnettes (sacrée ironie face aux Ochi adultes), placées dans ce théâtre verdoyant pour boucler l’intrigue grâce à un coup de baguette magique beaucoup trop simple et rapide. Et l’émotion est tellement forcée qu’elle s’envole aussi sec, brisant le sortilège installé depuis le début. La ligne est fine entre la pure candeur et la grossière niaiserie, et cet Ochi oscille dangereusement entre les deux à la fin.
Mais si La Légende d’Ochi a bien démontré quelque chose, c’est que le réalisateur Isaiah Saxon a un vrai talent. Le scénariste, en revanche, est un peu à la traîne en comparaison. Avec un coup de main à l’écriture, le film aurait certainement pu aller bien plus haut, et être beaucoup plus beau. Il restera donc quelque peu incomplet, comme un puzzle auquel il manque des pièces. Mais c’est suffisamment réussi pour avoir envie de continuer la partie et attendre la suite de sa carrière, en espérant que l’échec commercial de celui-ci ne lui portera pas préjudice.

Dès les premières images du trailer on voit qu’il y a des intensions dans la mise en image. On dirait du cinéma.
Un film avec des marionnettes et peu d’effets numériques ?
Curieux de voir ça 🍿
Dommage que le film ne tienne pas toutes ses promesses…je suis quand même curieux de le voir. Je préfère mille fois une œuvre imparfaite mais qui soit une vrai proposition de cinéma à un énième truc sans saveur ni aspérité. A vous lire, il semblerait qu’une certaine magie se dégage du film malgré ses lacunes scénaristiques.