Films

O’dessa : critique d’une apocalypse rock sur Disney+

Par Ange Beuque
25 mars 2025

Avec son combo intrigant de comédie musicale post-apocalyptique doublée de romance, Kelvin Harrison Jr. dans cette odyssée atypique. Mais réussir l’émulsion de cet opéra rock dystopique n’était-il pas un peu utopique ?

© Disney+

Une hybridation mal maîtrisée

Des notes de guitare habillent un univers post-apocalyptique posé en quelques plans rudimentaires. O’dessa a débuté depuis quelques instants que s’élève déjà la première chanson. La musique, c’est bien connu, adoucit les mœurs et les réticences du spectateur interloqué par ce mélange des genres baroques. La tessiture de Sadie Sink, ée par Broadway, nous enveloppe : pile ce qu’il fallait pour rassurer sur la viabilité d’un tel projet, dont la dimension d’opéra rock était peut-être la plus intrigante.

Hélas, les choses se gâtent rapidement. Si la solidité de la bande originale n’est pas en cause, les chansons sont parfois desservies par une réalisation qui délaisse bien vite les quelques images léchées du début au profit d’un tout clippesque frénétique. Les mouvements d’appareil et le découpage du périple de l’héroïne pourraient être repris tels quels sur M6 Music.

Et l’hybridation tous azimuts se révèle rapidement indigeste. L’univers post-apo puise des éléments à droite et à gauche sans se soucier de leur intégration, quitte à constituer un pot-pourri des marottes du genre : des rôdeurs-voleurs par-ci, des malandrins sectaires par là, un gourou marabout télévisé (Murray Bartlett, délicieusement barré) qui ne jurerait pas dans Starmania

O'dessa sens dessus dessous
O’dessa sens dessus dessous

Le lore se construit par touches d’étrangeté successives, telles des appâts nonchalamment balancés à l’écran au hasard des dés (le plasma) avant que le maître du jeu ne constate qu’il n’a pas grand-chose à en faire.

La direction artistique est à l’avenant, et brille surtout par son inconsistance. Après le « tout sable », les néons à gogo : ce qui devrait traduire l’étendue de cet univers trahit son inconséquence. O’dessa semble vouloir fonctionner par « vignettes » sans parvenir à les rendre assez fortes pour qu’elles se suffisent à elles-mêmes.

Very Stranger Things

Un récit qui s’enlise

O’dessa se déploie tel un conte, avec la guitare comme artefact féérique et la figure paternelle en guise de motivation. L’ouverture très efficace capitalise logiquement sur ses pastilles musicales pour créer un ancrage minimal (la mère malade) avant de jeter son héroïne sur les routes en un temps record.

Mais une fois lancé dans le grand monde, le récit ne trouve bizarrement plus grand-chose à raconter. Il y avait pourtant matière à s’emparer goulument de sa mythologie bric-à-brac. La réécriture goguenarde de l’élu façon vainqueur de télé-crochet offrait en particulier d’amusantes perspectives…

S’aimer, c’est regarder dans la même direction d’un œil bovin

À la place, O’dessa s’enlise dans une romance qui échoue à captiver, faute de développement suffisant de l’univers et/ou des personnages. Le love interest se distingue pourtant par son irruption vitaminée et son chara-design accrocheur. Hélas, il ne suffit pas de chanter l’exaltation des sentiments pour les rendre perceptibles : en découle un ventre mou interminable, jalonné de micropéripéties convenues.

Dans ces conditions, la conclusion de récit intervient bien tard pour nous happer en dépit de sa noirceur bienvenue et de ses bonnes idées (les cordes, que la bande originale n’assume malheureusement pas tout à fait). Sans doute le costume de Geremy Jasper, crédité au scénario en plus d’assurer la réalisation et les musiques (en duo avec Jason Binnick), était-il taillé bien large…

O’dessa est disponible sur Disney + depuis le 20 mars.

Rédacteurs :
Résumé

O’dessa, c’est comme une recette de soupe tapioca-myrtilles improvisée par un enfant : ses contrastes spectaculaires intriguent mais, à l’épreuve, l’expérience apparaît surtout déconcertante. Sans maîtrise hélas, l’audace n’est rien.

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ankoine
ankoine
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il y a 2 mois

Intriguant mais… j’ai une pile de films et séries en retard, pas sur que ce doit etre ma priorité! Dommage!