The Little things
Le titre français, Tu ne mentiras point, est plus explicite quant au sujet de ce drame irlandais inspiré d’une véritable histoire. Mais le titre original, Small things like these (littéralement « les petites choses comme ça ») traduit mieux son traitement. Car il n’est pas de ces films qui récitent nonchalamment une page Wikipédia. Il s’intéresse justement aux « petites choses » qui trahissent, au fil du temps, un mal-être, une injustice profonde dont personne ne veut entendre parler.

Sa technique ? Adopter complètement la perspective de son protagoniste, qui n’est ni une victime directe de l’affaire relatée ni un héros tout droit venu d’une superproduction hollywoodienne. Peu étonnant que Murphy se soit intéressé au personnage de Bill Furlong, livreur de charbon dans l’Irlande des années 1980. C’est lui, le vrai objet d’étude du film : un gars normal, père de famille et apprécié de sa communauté, confronté par inadvertance à une violence larvée. Mieux vaut d’ailleurs ne rien savoir de l’affaire avant de se rendre à la projection.
Inutile de préciser que le comédien est excellent dans ce rôle exigeant, assailli au quotidien par des détails és et présents qui lui saturent la conscience. Sur le papier, Small Things Like These se complait dans son premier acte et s’arrête au moment de relater les faits. Pourtant, c’est ce parti pris qui le rend pertinent : il e en revue les éléments qui mènent au déclic et donc par la même ce dont est vraiment fait la loi tacite du silence, ce pacte social malsain finalement plus important aux yeux du cinéaste que le moment il sera brisé. Ou pas.

Saut dans le vide
Si Cillian Murphy est particulièrement doué pour laisser paraître les dilemmes auxquels est confronté son personnage, la caméra de Tim Mielants (ancien mercenaire de la télévision é au long-métrage en 2019) parvient parfaitement à capter ce long moment d’indécision qui compose une bonne partie de l’intrigue. A-t-il vraiment vu ce qu’il a vu ? La mise en scène s’attarde dans cet instant de flou, à rebours complet des codes du cinéma social plus grand public, si bien qu’il risque d’ailleurs de provoquer l’incrédulité.
Mais encore une fois, malgré son casting (Eileen Walsh et Emily Watson occupent les principaux seconds rôles), le film a le mérite d’assumer son sujet, sans jamais se faire déer par la noirceur des vrais évènements, point sombre de l’histoire récente irlandaise. Le scénariste Enda Walsh s’interdit de céder aux éléments narratifs caractéristiques du genre dramatique. Et c’est arrivé au bout de sa démarche qu’on comprend sa radicalité. À force de non-dits et de malaise, il assène une réalité parfaitement cruelle : les dilemmes de Bill sont insolubles.

Un constat désespérant amenant à une fin mémorable, qui joue sciemment avec les codes de la fiction contemporaine pour mieux prendre à parti le spectateur et lui donner toute la mesure du problème. Une excellente manière de contourner le happy end qui handicape souvent les « drames tirés d’une histoire vraie » et de préserver l’horreur de l’affaire relatée. En , la sortie de Small Things Like These percute l’actualité de plein fouet, rappelant à quel point son refus de classer le dossier dans une fin optimiste est pertinent, voire nécessaire.

À la fin il ment