Films

Absolom 2022 : le Hunger Games des années 90 qui a sauvé James Bond (oui oui)

Par Antoine Desrues
11 août 2022
MAJ : 21 mai 2024
Absolom 2022 : photo

Avant de réaliser GoldenEye et Casino RoyaleAbsolom 2022, et son Ray Liotta largué sur une île hostile.

Au début des années 90, la mythique productrice Gale Anne Hurd (Terminator, Abyss) repère un jeune réalisateur néo-zélandais installé en Angleterre : Martin Campbell. À l’époque, Hurd a en sa possession le scénario d’un film noir moderne dans l’univers d’H.P. Lovecraft, racheté par HBO. Campbell accepte de réaliser le téléfilm, intitulé Détective Philippe Lovecraft, qui devient rapidement un petit phénomène.

Satisfaite de cette expérience, qui a quand même demandé d’aborder avec un budget moindre un film fantastique où Cthulhu apparaît, Hurd voit en Campbell un cinéaste efficace et capable de tirer vers le haut des séries B qui ont tout pour se casser la gueule. C’est donc sans grande surprise que le réalisateur se retrouve en 1994 à la barre du film de science-fiction Absolom 2022, sur lequel Gale Anne Hurd mise pas mal.

 

Absolom 2022 : photo, Ray Liotta, Kevin DillonJames Bond qui attend son sauveur

 

Koh-Lantax

Il faut dire qu’avec son concept aussi simple que ravageur, le long-métrage s’intègre parfaitement dans une certaine idée du post-apo de l’époque. Sorti un an avant Waterworld, Absolom 2022 partage avec le film de Kevin Costner l’esthétique de villages en bois et les looks improbables réalisés avec les restes d’une société humaine en décrépitude. Bien sûr, impossible de ne pas penser à l’impact de Mad Max sur un tel projet, mais le film s’amuse surtout avec l’idée d’une île transformée en prison à ciel ouvert, où la loi du talion règne.

Au-delà du mélange malin entre New-York 1997 et Fortress, la proposition amorce déjà une certaine envie de survival violent en huis clos, bien avant Battle Royale ou Hunger Games.

D’un côté, difficile de ne pas attaquer Absolom 2022 pour son manque flagrant d’originalité, d’autant que sa narration ne fait que recycler des péripéties vues et revues dans le cinéma d’action et le post-apo (les jeux de gladiateurs, le plongeon du haut d’une falaise pour échapper aux méchants, le siège d’une forteresse, etc.).

 

Absolom 2022 : photo, Ray Liotta, Stuart Wilson (II)Le futur : des armures rouillées et des dreadlocks

 

Mais d’un autre côté, impossible de ne pas succomber à sa manière de régler comme du papier à musique tous ces éléments, qui plus est au sein d’une production clairement trop ambitieuse pour ses moyens. S’il n’atteint pas le brio de Terminator en la matière, on sent bien la patte de Gale Anne Hurd sur ce film à 20 millions de dollars. Consciente des limites du projet, la productrice impose néanmoins une ambition plastique et technique, particulièrement perceptible dans l’introduction du film. L’année 2022 nous est présentée via un train du futur qui amène notre protagoniste Robbins vers une prison ultra-sécurisée.

Décor désertique, fumée intelligemment implémentée et maquette utilisée avec parcimonie : cette séquence initiale montre tout le sens de l’économie du long-métrage, sans jamais que celui-ci ne sacrifie l’expansion de son univers. Certes, Absolom 2022 ne manque pas d’effets spéciaux perfectibles, voire ratés (les hologrammes du grand méchant), mais on sent dans sa fabrication le savoir-faire humble d’artisans désireux d’offrir la meilleure immersion possible avec les moyens à leur disposition.

 

Absolom 2022 : photo, Lance HenriksenLance Henriksen, toujours la trogne parfaite des séries B des nineties

 

Dôme du petit orage

Or, c’est là que Gale Anne Hurd a su puiser le meilleur de Martin Campbell. Le bonhomme a beau s’être fourvoyée à la fin des années 2000 en cherchant à s’adapter à un cinéma numérique qui le dée (Green Lantern), il a cette maîtrise d’un septième art à l’ancienne, oserait-on dire de Papa, sachant alterner traditionalisme hollywoodien et pointes de modernité (la caméra à l’épaule, un montage légèrement plus rapide que ses modèles).

Et c’est ce qui marche dans Absolom 2022. Sa jungle luxuriante est toujours accompagnée par des mouvements de grue amples et élégants, tandis que les séquences de bataille assemblent plans fixes remplis de chaos et des échelles plus rapprochées en mouvement pour faire croire à la présence de centaines de figurants.

Au milieu de cette tambouille habile, Martin Campbell a ainsi l’occasion de se démarquer, en particulier lorsqu’il incorpore quelques éléments de violence barbares et joyeusement gores, même sur une poignée de secondes (une flèche enflammée qui pénètre dans la bouche d’un garde, un empalement à la suite d’une chute, des têtes coupées en pagaille).

 

Absolom 2022 : photo, Lance Henriksen, Ray LiottaLes Affranchis en devenir

 

Alors certes, le film piétine pas mal dans ses accalmies, en essayant péniblement de donner du corps à ses personnages (Lance Henriksen se contente de jouer les mentors, et Ernie Hudson le vieux de la vieille sympa). À vrai dire, il est même assez évident que le regretté Ray Liotta (ici très investi dans son rôle d’ancien soldat brutal et traumatisé) espérait se réinventer en action star avec Absolom 2022. Au final, le long-métrage est tout de même resté une proposition de niche, qui a surtout marqué les cinéphiles lors de son exploitation vidéo.

Entre son concept et la générosité de sa violence, le long-métrage avait tout pour obtenir un petit culte du côté des fans de série B. Et malgré ses défauts évidents, il mérite clairement ce succès, qu’on pourrait d’ailleurs résumer à la performance fendarde et cabotine de Stuart Wilson dans la peau du méchant Marek, qui enchaîne les punchlines assassines et les petites blagues avec de grands yeux de sadique fier de lui.

Là se synthétise toute l’énergie de sale gosse sincère du film. Pas étonnant que l’acteur, repéré en tant que bad guy sur L’Arme fatale 3, n’a cessé de collaborer avec Martin Campbell, en particulier sur Le Masque de Zorro, où il prête là aussi ses traits au détestable (mais jouissif) Rafael Montero.

 

Absolom 2022 : photo, Ray Liotta, Stuart Wilson (II)Méchant en roue libre (et c'est le kiff)

 

Un œil qui vaut de l'or

Mais parfois, les petits films sympathiques, mais perfectibles dans le genre d’Absolom 2022 peuvent avoir une importance insoupçonnée. Dans le cas présent, la réussite du long-métrage (surtout compte tenu de son budget) a plutôt impressionné l’industrie, à commencer par Michael G. Wilson et Barbara Broccoli, les producteurs de la saga James Bond. Alors que les aventures de 007 ont méchamment traîné la patte à la fin des années 80 avec les films de Timothy Dalton, les parrains de la franchise ont cherché un artisan solide pour redonner un souffle et une certaine modernité à l’espion britannique.

Des dires mêmes de Martin Campbell, Absolom 2022 est le film qui lui a ouvert de nombreuses portes, et qui a prouvé qu’il pouvait tenir des projets avec de grosses difficultés logistiques. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le cinéaste soit appelé sur GoldenEye, premier James Bond de Pierce Brosnan qui a su donner le la pour le futur du personnage.

 

Absolom 2022 : photo, Stuart Wilson (II)Roubaix, une lumière

 

Qu’on aime ou pas le film, il est incontestable que Campbell a su réinventer l’agent secret, et toujours adapter sa mise en scène à la réappropriation de mythes culturels à dépoussiérer. Bien entendu, il l’a surtout fait avec Zorro en 1998 et avec James Bond une seconde fois en 2006 pour Casino Royale, les premières aventures de Daniel Craig dans le rôle.

Est-ce à dire que la saga James Bond a évité de justesse l’extinction grâce à un sous-Mad Max fauché ? Un peu, et même si Gale Anne Hurd n’a pas fait de Campbell un nouveau James Cameron, le réalisateur a pu devenir pendant une décennie le roi des petits blockbusters, oserait-on même dire des films du milieu de plus en plus inexistants dans l’industrie actuelle. Le Masque de Zorro et Vertical Limit ont été budgétés à 95 et 75 millions de dollars, soit des sommes moyennes pour des propositions de ce calibre. Martin Campbell a longtemps su mettre en valeur chaque dollar à l’écran, et Absolom 2022 l’a prouvé plus qu’aucun autre film de son pedigree, au point d’avoir redéfini la carrière de son réalisateur.

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L'indien
L'indien
il y a 2 années

J’avais bien aimé à l’époque.

Hildegarnic
Hildegarnic
il y a 2 années

Meh
Je l’ai vu à la Colo Panic! Cinema cet été et en dehors des décors et de Stuart Wilson, c’est moyen transcendant, quoi…

Kyle Reese
Kyle Reese
il y a 2 années

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Faurefrc

Faut dire que je n’ai pas revu le film depuis sa sortie.
C’était peut être longuet mais assez original comme traitement.

Sinon oui Innerspace de Dante un film culte pour moi.
La quintessence du cinéma du divertissement fantastique des années 80.

Pat Rick
Pat Rick
il y a 2 années

Un bon petit divertissement bien mené.

Kolby
Kolby
il y a 2 années

Hou lalala, que ce film m’a plu. Vu au ciné, c’était une claque. J’ai désespérément attendu le 2 en vain

Miami81
Miami81
il y a 2 années

Excellent souvenirs de ce film.genereux en action et en punchline typique de cette decennie.
« Un dernier mot à dire? » « Oui, ne me retournez plus jamais le dos »

JR
JR
il y a 2 années

Fréquence interdite, vieilli plutôt bien et reste une honnête série B

Faurefrc
Faurefrc
il y a 2 années

@Kyle Reese

C’est marrant, moi je garde un assez mauvais souvenir de Enemy Mine. Une jolie promesse de départ et ensuite un infini ennui.

En revanche, avec Denis Quaid, j’avais b aimé le voyage intérieur. Super film des 80’s de Joe Dante qui est un peu tombé dans l’oubli.

Kyle Reese
Kyle Reese
il y a 2 années

@Hasgarn

Ennemi Mine avec Denis Quaid ? Très bon ce film.
Obsolom 2022 vague souvenir.

Ray Peterson
Ray Peterson
il y a 2 années

Le méchant sympathique aux punchline 90’s campé par l’habituel Stuart Wilson dans les films de Campbell était tellement over the top. La chute de Ray Liotta le long de la falaise était assez impressionnante pour l’époque. Et puis cette réplique du héros au jeune Kevin Dillon « je serais le meilleur ami que t’ai jamais eu ». Et en plus y a de bons ages graphiques (le badguy tatoué façon neo zélandaise qui rigole a en perdre la tête, une bonne flèche enflammée dans la bouche, la mort du vilain).
J’aime bien cet Absolom 2022, pas original mais généreux en baston.

Que la chasse commence, roooo ce film de survival!
J’avais bien aimé le louer avec ce casting de gueules so 90’s!
Hauer McGinley et Busey en tête! Merci pour ce revival