Mortal Kombat, dont le nouveau volet est en train de réjouir les amateurs de gore et de baston vidéo-ludique.
Pour toute une génération, Bloodsport - Tous les coups sont permis est un objet culte, un plaisir coupable qui suinte les années 80 et un des meilleurs films de Jean-Claude Van Damme. En incarnant le champion d’arts martiaux Frank Dux, dont la vie a plus ou moins servi d'inspiration pour le scénario, l'acteur belge a pu commencer à écrire sa légende grâce à ses coups de pied circulaires et son grand écart légendaire.
Mais en plus d'avoir révélé JCVD au public, Bloodsport est aussi le film qui a créé un lien entre Jean-Claude Van Damme et Mortal Kombat, aussi improbable et étrange que ça puisse paraître.
THE MUSCLES FROM BRUSSELS
Si les films d'arts martiaux se sont démocratisés à partir des années 70, en grande partie grâce à Bruce Lee et à la diffusion de films de kung-fu et de ninja à la télévision américaine, ce n'est qu'à partir des années 80 que le genre a atteint son apogée. À l'heure où Jackie Chan et d'autres artistes asiatiques réinventaient le cinéma d'action hongkongais dans des oeuvres comme le génial Police Story, les studios hollywoodiens ont eux aussi voulu redre la bagarre avec des films d'arts martiaux plus ambitieux.
Ce nouveau genre de films d'exploitation a mené à l'apparition d'un nouveau type de héros de film d'arts martiaux, blancs et généralement américains. Archétype qui a permis à des stars comme Steven Seagal ou Michael Dudikoff de lancer leur carrière avec des films comme Nico et American Warrior (ou American Ninja en version originale). C'est dans ce contexte que Bloodsport voit le jour, un peu par hasard.
Alors qu'il travaille sur un film autour de la guerre du Vietnam appelé Fire Base, qui sera finalement abandonné, Sheldon Lettich rencontre un certain Frank Dux, engagé en tant que conseiller pour avoir écrit un livre sur son expérience de soldat. Le vétéran, qui est un ancien champion d'arts martiaux, lui raconte qu'il a participé à un tournoi d'arts martiaux clandestin appelé "Kumite" quand il était agent de la CIA et qu'il était le premier Américain à avoir remporté cette compétition surnommée "Bloodsport".
Plusieurs informations ont révélé depuis que Frank Dux a menti, mais l'histoire d'un militaire américain remportant un tournoi mondial obscur face aux plus grands combattants du monde était trop belle que pour Sheldon Lettich la laisse de côté. Il n'en a pas fallu plus pour que le producteur Mark Di Salle, qui travaillait sur un autre film d'arts martiaux appelé Kickboxer, engage Lettich et Dux pour écrire un scénario et le vende à Menahem Golan et Yoram Globus, à la tête de la société Cannon Group, spécialisée dans les productions à petit budget du genre.
Mais si Bloodsport est devenu aussi culte, c'est surtout grâce à Jean-Claude Van Damme. Pour ce premier vrai rôle après ses apparitions dans Monaco Forever et Le Tigre Rouge, l'acteur livre une performance aussi moyenne que celle des autres membres du casting, mais fait exactement ce qu'on lui demande. Car plus que pour son interprétation du héros séduisant et charismatique, Van Damme brille d'abord par ses compétences en arts martiaux. Mince, souple, musclé, il se distingue de tous les golgoths des films d'action de l'époque et prouve non seulement qu'il est capable de distribuer des coups de pied à la chaîne, mais aussi qu'il le fait avec toute la détermination du monde.
Bloodsport a été un succès et a acquis un statut de classique, mais reste surtout connu pour être le film qui a révélé Jean-Claude Van Damme de la plus belle des manières. Et cette popularité que le film lui a apportée a bouleversé l'histoire du cinéma, mais aussi l'industrie du jeu vidéo.
MORTAL KUMITE
Comme la vie de Frank Dux, les histoires autour de la création de Mortal Kombat sont parfois déformées ou embellies, mais reviennent toutes d'une façon ou d'une autre à Jean-Claude Van Damme.
À l'origine, Ed Boon et John Tobias avaient reçu pour mission de la part de Midway Games de développer un jeu de combat "à sortir dans l'année" pensé comme "une version plus sombre de Street Fighter II" comme l'ont raconté les deux cocréateurs. Le jeu de Capcom s'était imposé comme la référence du jeu de combat moderne dans les salles d'arcade dès sa sortie en 1991 et son succès a aussitôt incité les studios du monde entier à développer eux aussi leur propre jeu de combat.
Un Forest Whitaker s'est glissé dans cette image
Ed Boon et John Tobias ont d'abord imaginé un jeu de combat avec des éléments mystiques et des ninjas, mais le projet a été rejeté par Midway, peu convaincu qu'une telle idée puisse marcher. Au lieu de ça, le studio leur a demandé de créer un jeu d'action centré sur Jean-Claude Van Damme. Les détails concernant cette requête sont incertains, mais il semblerait que Midway voulait développer un jeu basé sur Universal Soldier, qui mettait l'acteur à l'affiche cette année-là.
Ed Boon et John Tobias ont donc tenté de convaincre Van Damme d'apparaître dans leur jeu de combat et de les laisser utiliser son nom. Dans un entretien avec GameSpot en 2015, Ed Boon raconte qu'ils ont réalisé une maquette à partir d'une photo de Bloosport qu'ils ont retouché comme ils ont pu par ordinateur avant de directement l'envoyer à Van Damme.
Avec "Van Damme" en gros au-dessus de sa tête
L'idée est tombée à l'eau, pour différentes raisons selon les personnes interrogées. D'un côté, Ed Boon a déclaré dans un article pour Mel Magazine que Van Damme aurait conclu un accord avec Sega pour développer un jeu à la même époque, mais que ce jeu n'a visiblement jamais vu le jour. De l'autre, d'autres personnes impliquées dans la création du jeu racontent que Van Damme était trop occupé pour jouer les modèles ou tout simplement pas intéressé.
Le jeu de combat sur Jean-Claude Van Damme n'a jamais été développé et Midway a donc demandé à Boon, Tobias et le reste de l'équipe de travailler sur le projet de jeu de combat mystique qu'ils avaient imaginé. Mais même sans Jean-Claude Van Damme, ils n'ont pas pour autant abandonné leur idée de jeu inspiré de Bloodsport. Un des premiers noms envisagés était d'ailleurs carrément "Kumite", avant que les créateurs ne s'arrêtent finalement sur "Mortal Kombat" (mais toujours avec un K).
Ray Jackson, spécialité : boire de la bière et taper très fort
Comme Bloodsport, Mortal Kombat met en scène un tournoi où les plus grands combattants du monde entier se retrouvent dans un endroit obscur pour s'affronter jusqu'au dernier, chacun ayant son propre style de combat et ses propres raisons de participer à l'évènement. Si l'aspect étrangement fantastique qui prend parfois le film a été exacerbé dans le jeu par de la sorcellerie, des créatures étranges et des histoires de fin du monde, le scénario reste finalement le même : des combats violents et variés qui s'enchaînent, avec du remplissage autour. La différence majeure étant que les effusions d'hémoglobine et les brisages de nuques sont remplacés par des uppercuts mortels et des décapitations sanglantes.
Le montage d'ouverture du film, où les combattants apparaissent chacun leur tour, ressemble exactement à une introduction de jeu vidéo et correspond parfaitement aux quelques lignes de description qui présentent le contexte et les personnages dans le premier jeu Mortal Kombat.
Bolo Yeung, le parfait méchant
Même les animations lentes et saccadées des personnages créées à partir d'un processus de capture de mouvements avec de vrais artistes martiaux retranscrivent exactement la mise en scène de Bloodsport et la façon dont le film a remplacé les attaques rapides et fluides d'un acteur comme Bruce Lee par des coups filmés au ralenti et des figures acrobatiques absurdes. Ce n'est sans doute pas une coïncidence si le mouvement le plus athlétique des combattants de Mortal Kombat est un coup de pied circulaire qui ressemble beaucoup à celui qu'exécute Van Damme dans le film.
D'ailleurs, les créateurs de Mortal Kombat ne se sont pas seulement contentés de reprendre le célèbre coup de pied retourné de l'acteur, puisque Jean-Claude Van Damme a bien fini par apparaître dans le jeu...
DOUBLE IMPACT
Parmi les combattants disponibles dans le premier Mortal Kombat se trouvait Johnny Cage, décrit comme "une superstar des arts martiaux entraînée par les plus grands maîtres du monde qui utilise ses talents sur le grand écran, le champion du box-office et la star de Dragon Fist I, Dragon Fist II et du film primé Sudden Violence".
Avec son caractère d'acteur de seconde zone arrogant dont les compétences en karaté reposent sur sa souplesse, Johnny Cage a immédiatement été vu comme un clin d'oeil moqueur à Jean-Claude Van Damme. En réalité, l'histoire est un peu plus compliquée que ça.
Johnny Cage s'appelait Michael Grimm à l'origine et s'inspirait du personnage de Danny Rand, le héros d'Iron Fist. Après avoir changé de nom, Johnny Cage est ensuite plus ou moins devenu un avatar plus ou moins générique de toutes les stars occidentales des arts martiaux qui ont émergé dans les années 80 et 90, jusqu'à ce que l'équipe se mette à travailler sur les Fatalities.
L'idée originale était que Johnny Cage frappe l'ennemi si fort que sa tête s'envole dans une gerbe de sang, mais les créateurs ont immédiatement vu l'occasion de se moquer un peu de Van Damme à travers le mouvement final du personnage. John Tobias a alors suggéré un grand écart avec coup dans les roustons, le même que celui qu'effectue Van Damme dans Bloodsport, et l'idée a été gardée. C'est comme ça que Johnny Cage est devenu malgré lui une sorte d'hommage et de parodie de Jean-Claude Van Damme.
Un coup devenu légendaire depuis
Et curieusement, l'histoire du personnage dans Mortal Kombat trouve une étrange résonance avec celle de l'acteur à Hollywood. Au début des années 90, Van Damme s'est fait connaître grâce à Bloodsport, Kickboxer et Double Impact avant de devenir une star avec Universal Soldier et Chasse à l'homme, mais des problèmes personnels et plusieurs échecs ont mis sa carrière en péril par la suite. À son apparition dans le premier Mortal Kombat, Johnny Cage était une star hollywoodienne, mais les joueurs ont fini par se lasser de lui et le personnage est rapidement tombé en disgrâce. À tel point qu'il a disparu dans Mortal Kombat 3 parce qu'il était le personnage le moins sélectionné dans Mortal Kombat 2.
Mais avec le temps, de nombreux joueurs ont fini par apprécier Johnny Cage, comme le public l'a fait avec Van Damme, peut-être parce qu'ils représentent tous les deux cet âge d'or des films d'arts martiaux ridiculement géniaux. Pourtant, avant même que Jean-Claude Van Damme soit connu ou que le développement de Mortal Kombat débute, il était évident que lui, Bloodsport et Mortal Kombat étaient déjà liés.
Jean-Claude ressent la puissance
Dans une scène du film, alors qu'il débarque à Honk Kong, Frank Dux croise la route de Ray Jackson, un Américain bourru et grossier, avec qui il joue à un jeu d'arcade dans le lobby de l'hôtel en attendant qu'on s'occupe d'eux. Le jeu en question est Karaté Champ, sorti en 1984, un des premiers jeux à avoir introduit et popularisé le concept de jeu de combat en un contre un. Un élément qui sera reconnu plus tard comme un des changements fondamentaux du genre et qui a directement influencé les créateurs de Mortal Kombat, plus que Street Fighter, comme l'a plusieurs fois raconté John Tobias.
Après avoir perdu deux parties, Ray dit à Frank que s'il aime ce genre de combats, il doit venir le voir combattre au Kumite, ce à quoi Frank lui répond qu'il est aussi là pour le Kumite. Ray lui demande alors : "T'es pas trop jeune pour faire du full ?" et Frank réplique en demandant : "Et toi, t'es pas trop vieux pour jouer avec ça ?". Finalement, les deux hommes sourient et se mettent d'accord pour jouer une autre partie.
Cette séquence a prori anodine prédisait pourtant déjà à quel point la popularité de films d'arts martiaux comme Bloodsport influencerait directement l'ère moderne des jeux de combat, définie par la compétitivité, des affrontements côte à côte sur bornes d'arcade et des progrès technologiques qui inspireraient les fans et les développeurs à retranscrire cette sensation d'être au Kumite.
De la même manière que Mortal Kombat peut être considéré comme une adaptation officieuse de Bloodsport en jeu vidéo, Bloodsport peut également être vu comme une adaptation de Mortal Kombat avant l'heure, ou au moins un film qui reprend les codes et la structure narrative d'un jeu de combat à une époque où Street Fighter allait changer le genre sur arcade. Jean-Claude Van Damme étant le dénominateur commun de toutes ces oeuvres, y compris pour Street Fighter, malheureusement.
Et finalement, après plus de trente ans, l'acteur et Mortal Kombat vont enfin être réunis. Comme pour boucler la boucle, NetherRealm Studios a annoncé que Jean-Claude Van Damme sera disponible en tant que skin de Johnny Cage dans le prochain jeu Mortal Kombat prévu pour cette année et symboliquement appelé Mortal Kombat 1. Il ne manque plus que Shang Tsung ait un skin de Chong-Li pour que le jeu vidéo Bloosport qu'Ed Boon et John Tobias voulaient créer devienne enfin réalité.
La suite est réservée à nos abonnés. Déjà abonné ? Se connecter
Bloodsport est un film important pour Jean-Claude Van Damme et le lancement de sa carrière. Pour autant, le film est loin d’être parfait. Lui-même a reconnu qu’une première version du film laissait à désirer et qu’il a fallu le remonter afin qu’il puisse être distribué dans les salles. Évidemment, ça reste un film culte, notamment pour les séquences du kumite, son ambiance et sa musique propres aux années 80, malgré ses limites. Et bien sûr, le duel entre Jean-Claude Van Damme et Bolo Yeung. Ce film a probablement incité beaucoup de jeunes à pratiquer le karaté ou d’autres arts martiaux. À noter la présence de Forrest Whitaker, qui allait être la révélation de Bird de Clint Eastwood à la même époque, en remportant le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes. La fougue et la candeur de Van Damme apportent aussi de la fraîcheur à l’ensemble. Je préfère Bloodsport à Kickboxer, qui reprend les ingrédients du premier film. En revanche, Opération Dragon est bien supérieur à Bloodsport d’un point de vue technique et cinématographique. La bande originale de Lalo Schifrin est également d’un autre niveau. Cela n’empêche pas Bloodsport d’être attachant et de susciter une douce nostalgie.
Bloodsport c’est un film intouchable, qu’on aime également pour ses défauts. Van Damme a misé sa vie sur ce film et il a repris tout le montage parce que la premiere version était calamiteuse. Le reste de l’histoire on la connait : il est entré dans la légende. C’était une sacré époque quand meme…
@Birdy en kilt
« toi le chimpanzé, retourne dans ton cocotier ». Sauf qu’en VO il ne dit pas du tout ça, un comble ^^ !
un film de combat autour d’un tournois, avec plein de combattants au styles différents c’est la base et ça marche quasiment à tous les coups.
Un très bon souvenir d’enfance !
J’ai eu (la chance ?) de rencontrer Dux dans ma tendre jeunesse, c’était un sacré clown qui s’affichait avec une belle poulette. Et pendant sa démo, il cassait des bouteilles en sucre, et faisait ses trucs bizarres avec son bandeau devant les yeux, bref, c’était pas ouf. SI je m’en souviens si bien, c’est surtout que nous gamins, on attendait un mec comme VanDamme.
Il ne nous a pas transcendé plus que ça.
Le vrai Frank Dux connait, le karaté, le hapkido, le ninjutsu, le kiu jitsu, le wing chun, le taï-chi, l’aïkido, le kendo…. et beaucoup d’autres mots….
@Boddicker inspiration largement assumée avec la présence de Bolo Yeung et son fameux « une brique ne rend pas les coups » que lui avait justement dit Bruce Lee dans Opération Dragon. Après l’ambiance est complètement différente. Deux films cultes.
Bloodsport qui s’est quand même vachement inspiré de Enter the dragon et aussi de Game of death…
Mon film culte des années 80. Comme beaucoup loué en VHS au 1er visionnage puis reloué et re-reloué etc
Le concept du tournoi avec des participants aux styles très variés, l’entrainement avec le maitre d’origine Niponne qui détient savoir et sagesse ancestrale, la BO typiquement 80’s de Paul Hertzog et Stan Bush qui colle à merveille (et pourtant je suis pas fan de cette décennie et de ses synthés musicalement, j’aime les années 60 et 70), l’acolyte bourrin et plouc mais attachant, l’ambiance Hong Honkaise et Van Damme qui crève l’écran par son magnétisme. Je crois bien que c’est mon film préféré de cette décennie je pourrais le revoir en boucle.
Me le suis refait y a 1 mois, justement. Effectivement, c’est génialement ringard, mais le charme de Van Damme opère déjà, totalement 1er degré et désarmant de sympathie au milieu de ces brutes.
J’ai halluciné quand même sur 2 remarques qui aujourd’hui provoqueraient la 3è guerre mondiale :
1. La belle journaliste qui couche pour son article ouvertement sur un très classe « je veux absolument cet article… on a toute la nuit pour trouver un moyen de s’arranger… »
2. et surtout le meilleur pote un peu lourd du héros (l’américain que tout le monde aime, qui sert de punching ball au badguy juste après), qui sort au jeune Forrest Withaker venu arrêté Van Damme : « toi le chimpanzé, retourne dans ton arbre ».
Je vous laisse imaginer les retombées radioactives de telles réparties auj…