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Cannes 2025 : on a vu Sons of the Neon Night, le méga-polar d’action venu de Hong Kong

Par Antoine Desrues
19 mai 2025
© Distribution Workshop

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour le Festival de Cannes 2025. Et c’est l’heure de parler de Sons of the Neon Night, le film d’action hongkongais qui vient prendre la relève de City of Darkness.

Les séances de minuit à Cannes, c’est toujours quitte ou double. Au-delà de l’horaire qui peut aisément convoquer le marchand de sable en pleine projection (surtout après une semaine de films dans les pattes), ces rendez-vous restent le lieu privilégié – voire un poil méprisant – du cinéma de genre durant le Festival, surtout en provenance d’Asie.

Problème, depuis le carton plein en 2016 de Dernier train pour Busan, la Corée du Sud était devenue la coqueluche évidente et obligatoire, au point où le comité de sélection se mettait à prendre n’importe quoi, pour peu qu’il y ait des twists, des plans improbables et quelques touches de sang. Pour un The Villainess, crétin mais vraiment novateur sur le plan technique, il a fallu se taper des trucs aussi indigents que Project Silence.

Et puis surprise, en 2024, Cannes s’est tourné vers Hong Kong, dont la force de frappe de la cinématographie a subi de plein fouet la Rétrocession, la fuite de ses cerveaux (John Woo, Tsui Hark…) et la nouvelle prédominance du cinéma chinois continental. Avec City of Darkness, on était extatique, comme revenu dans des années 90 où la colère politique s’exprimait par une mise en scène libre et des scènes d’action de folie. Cannes remet donc le couvert avec un blockbuster HK attendu de longue date : Sons of the Neon Night… et reproduit déjà l’erreur de ses sélections coréennes automatiques.

Ça va être tout noir

De quoi ça parle ? D’attentats dans le quartier de Causeway Bay à Hong Kong, liés à un groupe pharmaceutique (en réalité connecté à du trafic de drogues) que plusieurs personnages veulent s’approprier. Enfin on croit, parce qu’on n’a pas tout compris…

Et ça vaut quoi ? Malgré ses plus de deux heures de durée (ressenti x3), Sons of the Neon Night démarre sur les chapeaux de roue. Alors qu’une neige surréelle s’abat sur un Hong Kong désaturé (on est à la limite du noir et blanc), des terroristes se mettent à ouvrir le feu sur la foule. La scène, saisissante, se permet une escalade de violence assez rare, aussi spectaculaire que glaçante. Peut-être que sa caméra, qui semble parfois vissée derrière les assaillants, rappelle involontairement certains ages décomplexés de la franchise Call of Duty, à l’instar de cette fameuse scène de tuerie de masse de Modern Warfare 2.

sons of the neon night
Limbo paraîtrait presque chatoyant en comparaison

Malheureusement, cette entrée en matière, déjà pas toujours aidée par son montage vif et ses jump cuts grossiers, sera le seul moment vraiment engageant du long-métrage. Sons of the Neon Night a beau posséder quelques scènes d’action inspirées, tout se mélange, la faute à un gros problème de narration et d’investissement du spectateur. Pour être honnête, on serait bien incapable de vous résumer les tenants et aboutissants de cette histoire remplie à ras bord de personnages, de fratries contrariées, de trahisons et de bonds dans le temps.

On a pris l’habitude de voir le cinéma de Hong Kong, plus désabusé que jamais, évoquer dans sa toile d’araignée urbaine les ramifications de la corruption et de divers imbroglios politiques, de Tsui Hark à Soi Cheang en ant par Johnnie To. Pourtant, même au sein de considérations familiales comme c’est le cas ici, les exemples pré-cités n’oubliaient jamais de connecter l’immensité du système à la petitesse d’une poignée de protagonistes joliment caractérisés.

sons of the neon night
A noter quand même la présence du toujours génial Louis Koo

Le cinéma HK, c’est David contre Goliath, un clash permanent entre une machine hors de contrôle et des individus qui essaient d’y trouver leur place (ou d’en sortir). De ce point de vue, Sons of the Neon Night propose quelques idées intéressantes dans la symétrie de ses plans et le rapport à l’architecture, quand son imagerie numérique ne se complait pas dans des symboles d’opposition amusants (des gouttes de sang qui se mélangent à des flocons de neige).

Pour autant, c’est bien peu pour ce polar inutilement compliqué, qui pioche par-ci par-là ce qu’on a aimé chez les maîtres du genre dans un best-of indigeste et confus. A vrai dire, on aurait dû s’en douter, car la présence du film à Cannes se justifie surtout au vu de l’attente qu’il a suscitée depuis près de 10 ans, temps nécessaire à sa gestation difficile. Il ne s’agit que du deuxième long-métrage de Juno Mak (scénariste du hardcore Revenge : A Love Story et réalisateur de Rigor Mortis), et sa nature de grand spectacle épique et opératique tendance Le Parrain en ferait l’un des budgets les plus chers du cinéma hongkongais (on parlerait de 50 millions de dollars).

sons of the neon night
Un film à regarder sur son ordinateur avec un petit rayon de soleil sur l’écran

Une fois qu’on en sait un peu plus sur les coulisses de la chose, on commence à saisir l’aspect décousu de l’intrigue, qui fait apparaître et disparaître très arbitrairement ses personnages entre deux scènes de dialogues abstraits sur l’amour et la mort. Le premier montage de Sons of the Neon Night aurait atteint les 7 heures, confirmant qu’il aurait sans doute dû être une mini-série. Malgré ses quelques fulgurances, le résultat a un arrière-goût de catastrophe industrielle. Mais le pire, c’est peut-être sa place en séance de minuit hongkongaise, alors que City of Darkness réveillait l’espoir d’un renouveau de ce cinéma extrême et fondamental. Devant la déception boursouflée de Juno Mak, la claque de Soi Cheang a encore plus des airs de sublime et éphémère anomalie.

Et ça sort quand ? Sons of the Neon Night n’a pas encore de date de sortie ni de distributeur français.

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brooksashmanskas
brooksashmanskas
il y a 17 jours

J’attends beaucoup le second film de Soi Cheang.

City of Darkness m’a mis une belle claque. En me rappelant c’est prod des années 90’s voir 2000’s comme Crazy Kung Fu.

Dommage pour ce film. On peut pas tout le temps avoir des pépites dans la tronche. C’est le jeu.

Akira11993
Akira11993
il y a 18 jours

Ouai bon, city of darkness c’était pas très folichon non plus. Cela dit, c’est pas un mauvais film, juste qu’il n’était pas ce que j’avais espéré.