Transformers : Le Commencement n’est pas seulement un très bon film Transformers. C’est un très bon film tout court. Notre critique vidéo.
Vous le savez sans doute, mais Antoine dépense son salaire (un peu) mérité à Ecran Large dans des figurines Transformers. Notre fan des robots d’Hasbro était forcément impatient de découvrir Transformers : Le Commencement, et le film est parvenu à déer ses attentes les plus folles. De quoi avoir envie de décrypter en vidéo cette impressionnante réussite.
En ant à l’animation et en revenant aux origines d’Optimus Prime et Megatron sur leur planète natale Cybertron, le réalisateur Josh Cooley (Toy Story 4) a pu vraiment redéfinir la franchise, loin des films en live-action de Michael Bay. Par la même occasion, Transformers : Le Commencement offre à ses personnages un vrai parcours émotionnel, qui réussit à porter un propos politique inattendu pour la marque de jouets. Ou comment transcender des contingences mercantiles pour réaliser un vrai bon film.
One néo Transformers…
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Déjà il y a un constat d’échec de la part des studios qui ont produit les films « Transformers » : essayer de transposer en action réelle une histoire cartoonesque, elle-même adaptée de jouets bi-fonction. C’est à dire humanoïdes et objets, reposant sur l’anthropomorphisme que l’on peut s’am à projeter dans notre tête en regardant n’importe quel engin inanimé… ce qui est déjà une obsession des cartoonistes (vous avez déjà vu un robinet de dessin animé, ressemblant à un nez qui goutte ?).
Certes avec de bons effets spéciaux modernes, ainsi que le sens du découpage et l’œil particulier de Michael Bay, on a semblé résoudre cette équation et avoir de gros succès, en forçant les spectateurs à croire à un univers qui n’a absolument aucun sens même avec toute une mythologie derrière. Ou qui, si on le développait avec plus de crédibilité, rimerait quand-même avec débilité.
La faute à des personnages intégralement conçus comme des archétypes (humains comme aliens), sans être capables d’aller au delà, là où on pourrait intéresser les sensibilités plus adultes. Les « Transformers » restant des films pour enfants, faussement reliés entre eux, ayant déjà un propos politique parlant de xénophobie et de défiance envers les gouvernants, sur un ton basique… Mais avec une imagerie qui, elle, devrait être plus sombre, virile et violente qu’elle le devrait.
Seul le film « Bumblebee » arrivait à construire quelque chose avec ces personnages (deux principaux seulement, facile), en usant plutôt d’un charme et une sensibilité rares.
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La tentation de faire un prequel sur Cybertron faisait partie des projets possibles, peut-être même excitants… et qu’on pouvait craindre aussi, tant on aurait conjugué ces personnages en CGI photoréalistes dans un environnement lui-même intégralement photoréaliste. Et non organique. Loin de la reprise du « Roi Lion » par exemple, performance toujours inouïe.
Comment faire pour que ça ne soit pas encore plus pénible visuellement, les films précédents étant souvent une épreuve pour les yeux ?… quand ce ne sont pas les caractères des personnages qui étaient eux-mêmes artificiels, se calant alors sur ces êtres de métal, de verre, d’huile et de gomme, dont les visages manquaient toujours trop d’expressivité (lorsque Bay daignait les filmer).
Il n’y avait pas le choix : il fallait revenir à de l’animation moins réaliste, comme pour les dessin-animés créés pour la télévision. Images (de synthèse) stylisées, entièrement homogène, totalement enfantin – et pour les grands enfants aussi.
Pourquoi ça reste la meilleure chose à faire ? Parce que ainsi, tout ce qu’on voit à l’écran ne peut qu’être ouvertement une métaphore de notre propre monde, de nos propres mythes, vu au travers du prisme d’un univers techno-vivant comme il n’en existe Aucun autre dans la Pop Culture.
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Pour rester dans la continuité thématique de la Saga (avec toujours la présence des animateurs de ILM, et la gestuelle particulière des personnages), le film s’ouvre sur un plan où un Transformer tout petit est en train de grimper un immeuble immense. Donc cette fois-ci, ce sont les héros principaux qui seront « les humains », les apprentis. Tandis que le gigantisme habituel, on le retrouvera dans l’environnement, et là où il y a du danger.
Et pour le reste, Tout sera d’une évidence à 100 %, jusqu’à la fin, scène post-générique comprise. Que ce soit Chris faisant son Hemsworth, dans sa performance de prédilection d’aventurier rigolard et quelque peu égoïste, permettant à celui qui deviendra Optimus Prime de sortir un instant de ses postures sentencieuses (qu’il est destiné à endosser avec panache)…
Ou Scarlett Johansson en héroïne trop forte et sérieuse (et encore Audrey Fleurot pour faire sa VF robotique)…
Ou Keegan-Michael Key (et Philippe Lacheau en VF) en futur Bumblebee et vrai rigolo décalé…
Sans compter telle Métropole souterraine divisée en castes, tels liens amicaux, telle découverte, telle trahison d’un leader (même sans connaître le personnage en question), telle évolution de caractère, tels yeux rouges, tel retour messianique, telle explication de noms, telle musique de Brian Tyler etc… et ne citons même pas les références connues de la Saga. Ou bien le fait que le réalisateur soit Josh Cooley, qui avait déjà l’expérience des jouets métaphoriques avec « Toy Story 4 ».
C’est complètement prévisible, on a vu ça une tonne de fois à droite à gauche. Mais d’une certaine manière, ça fait du bien de voir le film assumer de n’être rien de plus que ce type de récit fondateur.
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Et que, dans la grande tradition des blockbusters Tout Public, c’est dans le contexte de son histoire que se trouvent les éléments les plus pertinents.
Que les héros soient des mineurs – au sens prolétarien, et par rapport à la taille, ou l’âge – ce qui fait que la lutte des classes est aussi un conflit de générations…
Que l’on ose nous présenter un État fasciste, vendu, élitiste, adepte de post-vérités, eugéniste, réfutant toutes libertés individuelles – notamment le choix de disposer de son apparence…
Et que la seule façon de contrer ça, c’est par une Révolution. Laquelle ne peut pas se faire sans violence, celle-ci étant inéluctable.
D-16 / Megatron devenant peut-être le vrai (anti-)héros du film, et Brian Tyree Henry lui prête aussi bien son humour austère que sa colère sourde face à l’oppression, qu’on sentait gronder dans « Si Beale Street pouvait parler ».
Et qui finit par éclater avec autant de fureur que d’amertume, sans qu’on n’ait l’impression que ça ne sorte de nulle part… Au contraire, on assiste peu à peu à la perte de ses repères en même temps que ses amis, et de quelle manière cela résonne différemment chez lui. Et comment on le comprend, certains spectateurs pouvant peut-être même valider ses actions.
Un leader né, aussi charismatique que Optimus (leur évolution se e en parallèle), en bien plus radical.
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C’est aussi là que le film est réellement excitant, parce qu’il ne cache pas la brutalité, utilisant ces corps non organiques pour faire er des scènes de mutilation, d’exécution, d’éviscération. C’était déjà le cas chez Bay, sauf que chez lui c’est naturel.
Alors que là, ça reste un film joli, coloré, avec des héros aux joues rondes (plus expressifs que dans les films en action réelle)… et c’est la guerre civile qui va commencer, avec ses alliances néfastes, ses instants pas confortables du tout.
Un peu précipité comme film, l’ambition étant sacrifiée sous l’autel du rythme, trop typique d’un divertissement Tout Public.
Mais il se garde quelques beaux moments visuels – l’exploration de la surface de la planète, avec un superbe couché de soleil.
Et de l’action trépidante, entre gags (les beignes de métal, les premières transformations qui foirent), et moments pas loin d’être épiques – la course de la ville de Iacon (elle aussi un défi contre l’élitisme), le rassemblement des divers combattants, quelques petits money-shots cools.
En étant simple et direct, et en nous gardant tout le temps en alerte sans jamais être bêtement infantilisant, « Transformers : Le Commencement » est plus qu’un agréable opus…
Il arrive même à être stimulant et galvanisant.
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Quand l’Optimisation prime…