Près de 65 ans après la répression et la censure sur les comics horrifiques, Les Contes de la crypte n'ont pas pris une ride puisqu'elle inspire encore bon nombre de réalisateurs et de jeunes auteurs.
Avant de devenir une série télé phénomène produite par HBO, Les Contes de la crypte c’était surtout une célèbre série de comics apparue dans les années 50 sous le sigle de E.C Comics. De ses petites anthologies horrifiques, présentées tour à tour par un cadavre en décomposition ou une vieille sorcière, sont nés des films, des séries, d'autres bandes dessinées et plus étonnant encore, des séries d'animation.
Pour autant, si désormais son statut n’est plus à défendre, Les Contes de la crypte n'aura connu qu'une très brève longévité, et pas mal de controverses. Si vous connaissez l’histoire de la série HBO, qui aura par ailleurs valu le fameux slogan de la chaîne "Ce n’est pas de la télé, c’est HBO", connaissez-vous celle qui se cache derrière la genèse des comics ?
Quand tu te rends compte que t'arrives au dernier épisode d'une série
PAS TRÈS COMIQUE
Tout commence avec Max Gaines, pionnier du comic-book, notamment célèbre pour avoir fondé le groupe d’édition All-American Comics, connu pour avoir lancé les aventures de Green Lantern, Flash ou encore Wonder Woman.
Tout se déroulait assez bien avant que Max Gaines ne décide de vendre ses parts à National Comics, en 1944, qui fusionnera avec All-American pour devenir la maison que l’on connaît : DC comics. Après le joli pactole empoché, Gaines décide de fonder Educational Comics (E.C) qui aura pour ligne de conduite des histoires plus "religieuses, pédagogiques et humoristiques" destinées à un public plus jeune.
L’idée était qu'au bout du compte, ces comics scientifiques au ton ecclésiastique pourraient être vendus à l’Église catholique et dans des écoles. Pour l’anecdote, le premier titre vendu sous EC s’appelait Picture Stories From The Bible, bien que techniquement il s’agissait surtout de réimpressions éditées sous All-American Comics.
Ta tête après deux mois de confinement
Malheureusement, ce n’est pas vraiment avec les meilleures intentions qu’on fait la meilleure soupe. Educational Comics ne trouve pas le succès et se retrouve vite menacé par la banqueroute. En 1947, après la mort de son fondateur, la maison va connaître un nouveau souffle grâce à l’arrivée du fils, William Gaines (surnommé Bill).
Pendant les deux années qui suivirent sa nomination, William, qui n'était guère enthousiaste à l'idée de reprendre l'entreprise, va essayer de trouver ce qui pouvait se vendre le mieux auprès des jeunes pour se faire une place sur le marché du comics - super-héros, policier, western, action, aventure, puis l’éclair de génie le frappa lorsqu’Al Feldstein croisera sa route. Tous deux se trouvent rapidement une ion commune pour l’horreur. William a des idées, Feldstein un coup de crayon inégalable ainsi qu'une marge de manoeuvre inédite pour essayer de nouvelles choses.
La légende voudrait que les deux compères aient eu l’idée de leur bimestriel horrifique lorsqu’ils rentraient chez eux en voiture et qu’ils entendirent à la radio une émission sur des drames assez effarants. La vérité se trouve peut-être ailleurs, mais E.C finit par se démarquer très rapidement avec ce que le public appellera les "New Trend " : des histoires bizarres, effrayantes, tordues à mi-chemin entre la science-fiction et l’horreur. Les historiens de la bande dessinée s'empresseront de vous dire que les livres New Trend publiés par Educational Comics sont parmi les meilleurs que ce genre de littérature ait jamais produits.
La vieille sorcière a l'air bien sympathique
Il faudra attendre 1950 pour que le public découvre dans les étals des kiosques le bimestriel The Crypt of Terror, suivi de Vault of Herror, qui deviendront plus tard Tales from the Crypt. L’origine du premier numéro se rapportera d’ailleurs à l’un des récits de Al Feldstein dans Return from the Grave ! paru dans la revue de Crime Patrol en 1949. Le pari lancé par William Gaines marche. À cette époque, les comics marchent mieux que la télévision. Ce sont près de 750 millions de numéros qui sont vendus au cours de l'année.
Dans un contexte d’après-guerre, où les soldats américains oeillent désormais plus vers le sexe et la violence que de l’aventure et de l’action dans leurs lectures, l’humour noir, trash, macabre, voire scabreux, du comics fait immédiatement mouche. Rapidement, Les Contes de la crypte devient le visage de tout ce qui était moralement interdit dans la culture américaine et celle des jeunes des années 50.
Dans ces contes, des hôtes effrayants, le gardien de la crypte, la vieille sorcière et le gardien de la voûte introduisent des récits macabres remplis de gore et de moralité, tout en jouant avec des jeux de mots remplis d'allitérations. C'est en grande partie grâce à ces personnages que les bandes dessinées d'horreur d'E.C ont rapidement connu un grand succès. En quelques mois, les rayons de bandes dessinées ont été inondés de livres d'horreur d'autres éditeurs, mais aucun d'entre eux n'a réussi à égaler le maître en la matière. Dans Danse Macabre Stephen King dira d'ailleurs : "Comme un bon disque d'Elvis, les magazines de Gaines ont souvent été imités, jamais dupliqués ».
SIX PIEDS SOUS TERRE
Malheureusement, cet âge d’or n’aura duré que quatre ans. Alors qu’en 1954, Williams Gaines et Al Fedlstein avaient l’intention d’ajouter une quatrième publication à leur série horrifique, ils sont arrêtés net dans leur lancée par la publication d’un roman qui aura changé à jamais la publication des comics.
Le psychiatre Frederic Wertham se penche dans son livre, Seduction of the Innocent (l’influence de la bande dessinée sur les jeunes d’aujourd’hui), sur la dangerosité des comics auprès des jeunes lecteurs. Celui qui avait déclaré dans une interview que "Hitler était un débutant par rapport à l'industrie de la bande dessinée" mène une véritable croisade contre les comics, et en particulier, contre les publications horrifiques. Tales from the Crypt étant en ligne de mire du tir faramineux qui allait se produire.
Est-ce ça valait toute cette peine ? Non
Dans son livre, Frederic Wertham cite les représentations picturales de la violence et de la sexualité des comics comme étant responsables de la corruption des enfants. En plus d'affirmer catégoriquement que Wonder Woman avait un sous-texte de bondage ainsi qu’une orientation lesbienne, Wertham dénonce les publications horrifiques comme étant responsables de l’explosion de la délinquance juvénile ainsi que de l’analphabétisme.
Très rapidement, son livre devient un best-seller, lu de près autant par les parents, les enseignants, les psychologues ou encore les ecclésiastiques qui considèrent désormais les comics comme un matériel dangereux pour le bien-être des enfants.
À la suite de la publication de l’ouvrage, les éditeurs se retrouvent en très mauvaise posture. Les choses ont atteint leur point culminant en avril et juin 1954 lorsque, après la création d’une sous-commission sénatoriale sur la délinquance juvénile, les éditeurs ont été obligés de réduire la production. L'industrie des comics a habilement évité la censure extérieure en créant l'association d'autorégulation : Comics Magazine Association of America (CMAA) et une Comics Code Authority (CCA) qui a imposé de sévères restrictions aux genres de BD violentes.
Aujourd'hui, ça ferait un carton
Les éditeurs n'avaient pas le droit d'utiliser les mots "terreur" et "horreur" dans les titres, il leur était interdit de représenter des zombies, des loups-garous et d'autres personnages macabres sur leurs couvertures, de même que les représentations de "violence excessive", de sexe ou de sujets sexuels, de séduction et de sadisme étaient formellement prohibées. Si DC et Marvel arrivent à s’y tenir tant bien que mal, E.C, pourtant plein de bonne foi et de bonne volonté ne parvient pas à répondre aux exigences de la CCA.
William Gaines tente bien de préserver son affaire. Devant les juges il essaie tant bien que mal de défendre l’une de ses couvertures, celle où l’on voit une tête de femme décapitée par des cheveux, mais ça ne e pas. Il jette l’éponge. EC Comics cesse de publier ses titres d'horreur et, en 1955, elle disparaît, emportant dans sa tombe son dernier numéro. Gaines quitte le monde de la BD et s'installe au pays des magazines non réglementés, n'apportant avec lui qu'un seul titre : Mad Magazine.
DES HISTOIRES DÉTERRÉES
Fort heureusement (pour nous), Les Contes de la crypte ne sont pas prêts d'être oubliés et enterrés. Malgré son court mandat en tant que roi de la bande dessinée d’horreur, EC Comics aura réussi à inspirer de nombreux films à succès, séries télévisées et même dessins animés.
Une dizaine d'années après que Tales from the Crypt et les bandes dessinées similaires aient été chassées des rayons, une série de huit éditions de réimpressions en noir et blanc ont été transformées en livre de poche, ce qui a marqué la première tentative de réintroduction de la série. Mais avant cela, bien d'autres personnes ont essayé de redorer son image sur grand écran.
Une journée de boulot un peu chargée
Le premier à s’attaquer, ou du moins à s’inspirer du comics de Gaines et Feldstein, fut le producteur Milton Subotsky d’Amicus Production. En 1965, le studio sort Dr. Terror’s House of Horrors. Un long-métrage avec des apparitions de loups-garous, des plantes carnivores ou encore des vampires mit en scène par Christopher Lee dans le rôle principal du Dr. Schreck.
Après le succès du film, Milton Subotsky qui sent le potentiel énorme que peut avoir Les Contes de la Crypte au cinéma, réussit à convaincre son partenaire de l’époque, Max Rosenberg, d’acquérir les droits de E.C. Le résultat naît quelque temps plus tard, en 1972, lors de la sortie de Tales From the Crypt, long-métrage à gros budget qui reprenait à la fois des histoires de The Haunt of Fear et Tales from the Crypt. Le film met en scène un groupe de touristes perdus dans les catacombes jusqu'à ce qu'ils tombent sur le Gardien de la crypte, leur racontant des histoires sur la façon dont ils vont mourir.
Dans sa foulée, Amicus Production continue de puiser au sein des anciennes histoires d’EC et adapte The Vault of Horror en 1973. Le film met en scène cinq hommes piégés dans un immeuble de bureaux qui décident de er le temps en partageant leurs cauchemars. La plupart des séquences sont tirées des Contes de la crypte.
Mais là, où la série de comics va gagner en popularité c’est lorsque Creepshow. Un long-métrage d’anthologie qui fait apparaître des histoires écrites par King, ou de ses nouvelles existantes, avec le style et l’influence d’EC Comics. Creepshow voit son jeune protagoniste se faire sévèrement réprimander pour avoir lu des bandes dessinées d'horreur, mais un morbide individu se présente à sa fenêtre pour l'aider à se venger.
Cependant, ce n’est pas encore l'heure de gloire du comics. Il faudra attendre la venue du producteur Joel Silver, en 1989, pour que Les Contes de la Crypte fassent l’objet d’une adaptation en série télé par la fameuse chaîne, HBO.
Au cours de ses années d’existences entre le 10 juin 1989, date de sa première diffusion et le 19 juillet 1996, Les Contes de la crypte aura compté pas moins de 93 épisodes étalés sur sept saisons basées sur les thèmes de The Haunt of Fear, The Vault of Horror, Crime SuspenStories, Shock SuspenStories et Two-Fisted Tales.
Un visage qu'on n’est pas prêt d'oublier
Le public français quant à lui, aura connaissance de cette pépite en 1991 lors de sa première diffusion sur Canal+ sous le titre des Contes d’outre-tombe. S’en suivra pour les plus connaisseurs, des fameux (et regrettés) jeudis de l’angoisse en 1993 sur M6 où la série avait son petit créneau avant d’être récupérée par 13ème rue, RTL9 et Sci Fi.
La chaîne , qui aura permis à EC Comics de boucler la boucle, a fait en sorte que les adaptations de ces contes puissent être libres de toute censure, en autorisant le gore, la nudité et la violence. Soutenue par un cadavre animé à l'humour scabreux, le Cryptkeeper (campé par John Kassir et mis en scène par de nombreux marionnettistes), Tales from the Crypt est devenue au fil du temps une série extrêmement populaire.
Avec son goût pour la provocation, sa quasi-totale liberté, sans tabou et sans censure, la série HBO se transformera très rapidement en un phénomène cultissime. Mais ça, c’est encore une autre histoire.
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Super article, merci. Quelle incommensurable déception effectivement de devoir payer pour un contenu de cette qualité… -_-
Cher Sascha, cetet voix française bien creepy était celle de Francis Lax alias Yan Solo, Sctroumpf à lunette, Dr Slump, Magnum, Hutch etc… 😉
Superbe article. Et un gros retour en enfance. J’ai adoré cette série. Et cette voix française bien creepy. J’espère une suite à cet article qui développera l’univers de la série TV
Ce sont les premiers comics que j ai lu après avoir découvert quelques épisodes de la série télé. Même si les histoires de jack davis étaient un peu redondantes: ce sont souvent des victimes qui reviennent sous la forme de zombies ou de créatures pour se venger du vilain.
Au dela de la crypte j avais également découvert (et adoré) grâce à Akileos d autres titres d EC comics comme crimes suspense story, Shock, weird sciences … par contre contre j ai pas accroché à Front line sur les recits de guerre.
Rien à redire ils savaient vraiment y faire dans les années 50 …foutu CCA
article payant….déception.