Bullet Train : Explosion / Super Express 110
Un terroriste a piégé un train à grande vitesse japonais. S’il descend en dessous des 80 kilomètres par heure, il explosera. Non, ce n’est pas le pitch d’un ersatz de Speed, mais celui du film qui l’a inspiré : Super Express 109. Sorti en 1975, il utilisait son concept aguicheur pour séparer ses enjeux en deux, d’une part et d’autre d’un long montage alterné : d’un côté, le grand spectacle du train lancé à pleine vitesse, de l’autre l’agitation politique et technique des responsables chargés à la fois d’éviter l’explosion et de coffrer le responsable.
Peu étaient aussi bien placés que Shinji Higuchi pour revisiter cette histoire. Fort d’une grande expérience dans les effets spéciaux (il a notamment travaillé sur les meilleurs Gamera), il est aussi derrière les tunnels istratifs de Shin Godzilla. Son remake est moins radical : il nous épargne les contre-plongées coincées dans les open spaces et les caméras harnachées aux téléphones.
Mais il ne se fait évidemment pas prier pour s’attarder sur les protocoles d’urgence, multiplier les dilemmes techniques et moraux ou en mettre plein la gueule du gouvernement, représenté ici par un technocrate complètement zélé.

À vrai dire, sa version est étonnamment fidèle. Les scénaristes Kazuhiro Nakagawa (réalisateur de seconde équipe sur… Shin Godzilla) et Norichika Ōba reprennent les grandes lignes de l’intrigue originale, à ceci près que la limite de vitesse a suivi l’évolution technologique : elle est désormais fixée à 100 kilomètres par heure. Et que les personnages représentent des catégories de population plus contemporaines : le politicien repentant et l’influenceur font évidemment des apparitions remarquées.
Autre particularité, qui intéressera les ferrovipathes : le Super Express en question est remplacé par l’iconique (enfin on suppose) Hayabusa 60. D’ailleurs, la production aurait, selon Variety, collaboré avec la East Japan railway Company pour proposer une représentation plus crédible de la situation. Plus de fidélité, plus de respect… À l’arrivée, Bullet Train : Explosion est un remake très sage. Un remake bien trop sage même, qui va jusqu’à préserver le rythme d’époque malgré une mise en scène contemporaine et une durée de plus de deux heures dix !

Inter-rail
C’est donc principalement sur le plan du grand spectacle que cette fidélité se mue en lourdeur. Bien qu’il comporte quelques bonnes scènes de suspense (le coup de l’aiguillage), le film ne réinvente pas la roue à bandage au rayon cinéma catastrophe. Tout juste réactualise-t-il les séquences d’action de l’original en remplaçant les maquettes par des effets spéciaux plus modernes, certes très réussis, mais dépourvus de la moindre folie. On pouvait en attendre plus de celui qui a contribué aux meilleurs kaijū eiga de ces trente dernières années.
En revanche, lorsqu’il met au goût du jour les réactions de ses personnages, Bullet Train : Explosion est à la hauteur de la filmographie de Higuchi. D’autant qu’il nous réserve une petite surprise, révélée au détour d’un dialogue dans les premières minutes : il s’agit à la fois d’un remake… et d’une suite. Ainsi, il se livre à une véritable étude sociale comparative. Les temps ont changé, les trains à peine, les comportements beaucoup. Que ce soit côté secouristes, agers ou même terroristes, les motivations, les moyens de s’informer et d’agir ont pris une tout autre forme.

Et le cinéaste ainsi que ses scénaristes choisissent clairement leur camp. Ils ne cessent de mettre en scène l’individualisation de tout un chacun à l’heure des réseaux, sur lesquels compte par ailleurs le mystérieux antagoniste, puisqu’il propose un véritable crowdfunding à l’échelle nationale afin de payer son affolante rançon. Au fur et à mesure de l’intrigue, le repli sur soi généralisé devient la menace principale.
Puis, ils lui opposent un héroïsme collectif représenté par les cheminots, ingénieurs et autres ouvriers du rail. C’est probablement la plus belle idée de ce faux remake : la nature même du trafic ferroviaire refuse le moindre super-héros ou homme providentiel. Les vrais protagonistes de Bullet Train : Explosion sont le contrôleur qui tient son métier à cœur, mais aussi chacun de ses collègues qui se succèdent gare après gare pour sauver les agers.

Certains y verront une nouvelle louange de la machine libérale après les rangées de tanks de Shin Godzilla. Et ils n’auront pas tort. Mais il est surtout question d’une coopération entre travailleurs, encore capables de transcender le ressentiment propagé par les réseaux sociaux et autres nuisances contemporaines. Donner envie de prendre le train grâce à un film de catastrophe ferroviaire, c’est tout de même un petit exploit.

Le film que tous les amateurs de Densha de Go attendaient !