SYSTEM OF A DAWN
Dans la très longue liste des idées saugrenues, le film Until Dawn en tient une belle couche. Pourquoi adapter un jeu vidéo qui était un simple hommage au cinéma d’horreur ? Et comment adapter une pure expérience de jeu vidéo, qui reposait principalement sur les choix à faire pour diriger l’histoire à chaque embranchement ? Plus encore qu’Uncharted et The Last of Us, le film Until Dawn était une sacrée gageure pour l’équipe créative.
Côté business, c’était une simple formalité vu le succès du jeu développé par Supermassive Games. Depuis, le studio a surfé sur la vague horrifico-interactive avec The Dark Anthology (Man of Medan, Little Hope, la suite spirituelle d’Until Dawn, intitulée The Quarry. Le monde a même eu droit à un remake parfaitement dispensable d’Until Dawn, seulement neuf ans après la sortie de l’original. Le film était donc une nouvelle étape dans cette bête et méchante logique marketing pour PlayStation Productions, studio fondé en 2019 pour exploiter le catalogue Sony – le film Ghost of Tshushima et les séries God of War et Horizon : Zero Dawn arrivent.
Il y avait toutefois une petite raison d’y croire avec la présence du réalisateur David F. Sandberg. Remarqué avec ses malins courts-métrages sur YouTube et embauché par Hollywood pour en adapter un au cinéma (Dans le noir), il a continué sa route en tant que mercenaire, pour le pire (Annabelle 2) et le pire que tout (Shazam et Shazam 2). Le voir revenir à l’horreur dans un autre film de commande avait donc une saveur douce-amère. Mais le vrai argument d’Until Dawn n’était pas là.
GAME OVER AND OVER AGAIN
Until Dawn aurait pu choisir la facilité d’un petit slasher où un groupe de jeunes abrutis est simplement pourchassé par un tueur masqué et des wendigos. Ça aurait été fidèle, et ça aurait probablement été naze. À la place, les effrayants scénaristes Blair Butler (Le Bal de l’enfer, Polaroid) et Gary Dauberman (Destination finale 5, les trois Annabelle dont le troisième qu’il a réalisé lui-même) ont choisi de se concentrer sur l’un des principaux arguments d’Until Dawn : la rejouabilité.
Parce qu’au-delà des choix (sauver machin ou bidule, se cacher à droite ou à gauche, se battre ou s’enfuir…), c’était la possibilité de refaire, rejouer et revivre le cauchemar, et explorer les différentes options de l’effet papillon, qui avaient transformé ce petit jeu en gros plaisir. Comment adapter ça au cinéma ? Avec le joker de la boucle temporelle pardi. Cette astuce inattendue transforme alors le fameux sablier du jeu en moteur de l’horreur, et condamne les cinq personnages à vivre nuit après nuit un nouveau cauchemar.

Cette (très) grande liberté a beau confirmer qu’une adaptation Until Dawn n’avait probablement aucun sens, elle apporte au film une dimension réellement amusante et ludique. Chaque nouvelle nuit s’apparente à une nouvelle partie, avec la possibilité ou plutôt l’obligation d’ouvrir une nouvelle porte, explorer une nouvelle zone, et croiser une nouvelle horreur. Et chaque mort permettra de retenir une nouvelle leçon, et reprendre depuis la sauvegarde pour une nouvelle tentative. Là est toute la malice du film : faire de cette boucle temporelle une représentation narrative de l’expérience d’un jeu vidéo d’horreur.
Quand un personnage un peu moins stupide que les autres comprend que le cauchemar prend une nouvelle forme à chaque redémarrage pour une bonne raison, le die and retry devient lui aussi malin. Le pauvre groupe est trimballé dans cette espèce d’escape game infernal qui prend des allures de petit train fantôme, où se croisent tueur masqué, wendigos, vieille sorcière, créature géante et quelques autres surprises (dont une qui offre l’une des meilleures scènes sanglantes du film). Et le public est lui aussi piégé, et soumis aux mêmes règles. Car ce Until Dawn n’a qu’une mission : faire peur en changeant constamment les règles du jeu, et maintenir tout le monde éveillé des deux côtés de l’écran.

LA CABALE DANS LES BOIS
Until Dawn a pourtant du mal à transformer la bonne idée en vraie expérience. Et en voulant éviter certains pièges de l’adaptation de jeu vidéo, il est tombé dans ceux des films de boucles temporelles. Au lieu de laisser le temps s’écouler et écraser les personnages, il se cache derrière les ellipses et quelques effets faciles (la semi-amnésie bien pratique, et à géométrie variable). Et au lieu de réellement jouer avec les possibilités sans fin du die and retry, il se contente vite d’un petit montage de multiples morts (option found footage). Autrement dit : le film Until Dawn accélère quelques-uns des moments les plus importants de son concept ludique.
À la place, le scénario s’embourbe dans un premier degré que le jeu, quasi parodique, n’aurait jamais osé. Il y a moins de personnages, mais ils sont tout aussi inintéressants et stupides. Il y a une intrigue de sœur disparue, mais elle est traitée avec un sentimentalisme qui fait tache. Il y a bien du sang et de la cruauté, mais uniquement en guise d’apéro puisque le cahier des charges exige que le niais l’emporte à la fin.
Le film s’accroche à quelques clins d’œil pour rappeler qu’il s’appelle bien Until Dawn, avec notamment l’apparition d’un visage connu sur un bout de papier au détour d’un plan, et une scène où l’héroïne fadasse doit rester immobile à côté d’un monstre. Mais ce sont finalement des détails superflus et presque encombrants, à l’image du pauvre Peter Stormare de retour dans le rôle d’un mystérieux type flippant nommé Hill, lui qui jouait le flippant psy Alan Hill dans les interludes du jeu. Ce sont peut-être aussi des preuves que les contraintes d’une adaptation restaient bel et bien là, malgré l’approche très libre du scénario.
Le modeste plaisir procuré par le film Until Dawn se situe donc au milieu, durant un court point d’équilibre entre la longue et lourdingue mise en place et la conclusion archi-conventionnelle. Là, il y avait la promesse de quelque chose de bien plus amusant et satisfaisant que cette série B gentiment oubliable.
Et la frustration est encore plus grande quand vient la dernière image, qui tease une potentielle suite se déroulant dans le décor du jeu. Mais peut-être qu’au fond, le choix d’une pauvre baraque posée dans une clairière plutôt que d’un chalet au milieu des montagnes enneigées était le premier avertissement sur le manque de saveur de ce Until Dawn. Qui ressemble finalement à une version ratée de La Cabane dans les bois.

Après, c’est dur de réussir un film au même niveau que La Cabane dans les bois. Mais je fais confiance à la modestie de David Sanberg pour nous proposer un petit divertissement horrifique sympa. Peut-être que le jeu méritait plus, mais si on a ça, ce sera déjà beaucoup.
Donc mauvaise adaptation du Jeu éponyme, mais pas forcément mauvais film d’horreur, juste très moyen.
Faut dire que cette histoire de boucle temporelle n’a rien à foutre là, presque autant que le sablier sur la boîte du jeu (qui n’a rien à foutre là non plus.)
Donc à mettre entre les sympathiques « Triangle » (pour son côté boucle temporelle) et la Cabane dans les bois (pour son côté bestiaire fourre-tout).
Je verrai ça quand il sortira sur une plateforme.
Salutations
La critique de Havoc arrivé quand ??? Merci d’avance
On peut ne pas toujours être d’accord avec vos critiques mais par contre les jeux de mots sous les photos ou les titres de paragraphe… toujours au top…
Dommage que Hayden Panettiere ne soit pas de la partie. Elle manque à l’appel