Dans le genre du cinéma d'action, on a difficilement fait plus fort que The Raid dans les années 2010. Mais comment définir l’impact du film de Gareth Evans ?
Véritable surprise au festival de Toronto de 2011, Gareth Evans s'est imposé comme un vent de fraîcheur, en plus de mettre en valeur comme peu de films avant lui le Penkat-Silat, art martial indonésien particulièrement cinégénique.
Aujourd'hui considéré comme l'un des classiques du film d'action des années 2010, The Raid a eu le mérite de sortir de nulle part, sans pour autant avoir trop de difficultés à s'extirper de la médiocrité ambiante dont a souffert le genre à l'époque. Mais la question se pose : quel est réellement son impact ?
"J'ai Taken 3 en ligne de mire"
Die (Very) Hard
Quand on pense à The Raid, ce n'est pas foncièrement pour l'originalité de son concept : la mafia de Jakarta possède pour QG un immeuble réputé imprenable, dans lequel tente d'intervenir une poignée de policiers d'élite. Bien évidemment, la troupe se fait piéger dans le bâtiment, point de départ d'un huis clos teinté d'une dimension de survival, à la manière d'Assaut de John Carpenter ou de Piège de cristal de John McTiernan.
Pourtant, ces deux figures tutélaires n'empêchent pas Gareth Evans de se démarquer. Le réalisateur gallois, qui a déjà réalisé un documentaire en Indonésie, a fait ses armes dans le genre de l'épouvante, notamment en réalisant un segment de V/H/S/2. Fort de ce if, The Raid assume une vision ouvertement horrifique.
La cage d'escalier de l'immeuble est plongée dans l'obscurité, tandis que certains couloirs aux couleurs délavées et aux lumières clignotantes semblent tout droit sortis d'un film post-apocalyptique. Avec un sens de la tension habile, Evans organise sa scénographie pour que la menace puisse surgir de n'importe quel bord de l'écran : marée de dealers, tueurs et mêmes simples habitants de la bâtisse dépeints comme une horde de zombies...
En attendant Valérie Damidot, voilà comment on redécore une pièce
Mine de rien, les nombreuses scènes d'action prennent corps grâce à cette sensation de danger permanent, magnifiée par la sécheresse globale d'une approche ultra-épurée, se privant au maximum des dialogues pour privilégier la rythmique des râles et des souffles courts. Le cinéaste a l'intelligence de mettre en exergue cette note d'intention dès sa scène d'introduction, entraînement au petit matin de son héros Rama (Iko Uwais) qu'il résume au travers de raccords rugueux sur un mouvement ou une respiration. The Raid est à l'image de ce jeu sur la coupe : brutal et direct.
Ainsi, cette absence de circonvolutions permet à Evans d'amener son huis clos vers une autre inspiration majeure : le jeu vidéo. Chaque étage de son décor évoque un niveau avec ses menaces à surmonter, enjeu dont le réalisateur souligne la verticalité, si primordiale dans la construction de certains classiques du dixième art.
De la sorte, The Raid s'impose encore aujourd'hui comme l'une des adaptations indirectes les plus brillantes du médium interactif, et plus particulièrement du beat'em up. Son récit volontairement rachitique façonne son crescendo grâce aux multiples méchants qu'il déploie dans son sillage, suite de boss définis par une caractéristique (à l'instar de ce vilain en survêtement et sa troupe munis de machettes) et qui symbolisent une dangerosité croissante.
Silatte dans ta gueule !
Cependant, tout cela ne serait rien sans la mise en scène virtuose des séquences de combat. Il est d'ailleurs bon de préciser que si Gareth Evans semble aussi à l'aise avec la cinégénie du Penkat-Silat, c'est parce qu'il a signé un documentaire sur cet art martial. Durant ce processus, il a lui-même appris les bases de la discipline, tout en ayant l'opportunité de rencontrer les futurs acteurs de ses longs-métrages de fiction, à commencer, pour Merantau (son premier film d'action), par Iko Uwais.
Ainsi, The Raid ne se contente pas de refiler ses chorégraphies et leur mise en boîte à une seconde équipe déconnectée du reste. Evans, Iko Uwais et Yayan Ruhian (l’interprète de Mad Dog, le boss final du film) ont travaillé ensemble pour construire le tempo incroyable de scènes en perpétuel renouvellement. Si le Penkat-Silat est moins gracieux que le kung-fu, il est tout de suite plus stratégique et violent. Chaque coup est pensé pour faire mal, et on voit les personnages encaisser autant qu'ils rendent la pareille, en attente d'une ouverture.
Joe Taslim brought a knife to a gunfight
Loin des action stars immortelles des blockbusters américains actuels, The Raid crée la tension via la douleur de ses héros, et via la fascination évidente de la mise en scène pour les performances des corps, autant que pour leur décomposition.
La caméra d'Evans est souvent plus proche de ses personnages que celle de ses modèles (à commencer par Jackie Chan), elle capte avec nervosité chaque os craqué et chaque pénétration de couteau semble héritée de la body-horror ; on pense à ce saut menant à l'empalement d'une tête sur un bas de porte défoncé, ou à ce dos brisé sur le bitume de la cage d'escalier. Pour autant, le réalisateur n'en oublie jamais de donner à ses pans de combat le temps de vivre dans de longues prises, juste accentuées par quelques inserts malins sur un détail scénographique ou un élan gore réjouissant.
À vrai dire, le succès de The Raid tient peut-être à sa manière de mêler le meilleur de deux mondes : s'il convoque une lisibilité de l'action héritée des maîtres de Hong-kong, il adopte néanmoins une mise en scène plus au cordeau, parfois tremblante, pour épauler certains moments de panique, sans pour autant tomber dans la shaky cam incompréhensible. Cet équilibre a prouvé aux yeux de tous que la création de tension par la caméra n'est pas incompatible avec une lecture claire d'une chorégraphie martiale.
Quand la douleur se ressent à travers l'image
Raid Dead Redemption
Le film n'a sans doute pas créé un mouvement, mais son succès d'estime (et celui de sa suite, sortie en 2014) est devenu le fer de lance d'une partie de l'industrie, désireuse de mettre en avant cette exigence dans la fabrication d'une scène d'action. Quand on voit aujourd'hui l'engouement autour de la franchise John Wick à travers le monde, il tend à prouver que la démarche d'Evans et de ses équipes est arrivée à point nommé. Consciente de cet héritage, la saga portée par Keanu Reeves a invité Yayan Ruhian et Cecep Arif Rahman (l'un des méchants de The Raid 2) dans son troisième opus pour marquer cette filiation.
En réalité, il est ionnant de constater que The Raid, à l'instar d'autres phénomènes cinématographiques, a débarqué à un moment parfait. Après la rétrocession de Hong-kong à la Chine populaire en 1997, le grand cinéma d'action local a vite perdu de sa force. Face à l'évolution du système de production (notamment au niveau de la censure), les grands noms comme John Woo et Tsui Hark ont essayé de relancer leur carrière aux États-Unis, pour le résultat en demi-teinte que l'on connaît.
Il est temps d'offrir à Iko Uwais un film à la mesure de son talent
Alors qu'un vide à commencé à se faire sentir, d'autres cinématographies asiatiques ont pu se construire sur le socle de HK au début des années 2000. L'exemple le plus évident est à chercher du côté de la Thaïlande, où Ong-Bak et sa mise en valeur de l'art martial Muay Thai ont marqué une émancipation face au modèle chinois, à travers des films peut-être moins coûteux et plus cheap, mais dotés de véritables élans de brutalité rarement vus à l'écran.
Gareth Evans est d'ailleurs le premier à reconnaître que The Raid a été grandement motivé par le succès d'Ong-Bak, ce qui est assez amusant quand on voit que le film est devenu pour l'Indonésie le même porte-étendard, qui a permis à d'autres cinéastes d'aller explorer à leur tour la mise en scène du Penkat-Silat. Coréalisateur du segment d'Evans sur V/H/S/2, Timo Tjahjanto en est sans doute le plus fier héritier, qui est parvenu avec le même casting à pousser encore plus loin la violence de son aîné, que ce soit avec le décevant Headshot, ou avec le jouissif The Night Comes for Us.
Quart de cercle arrière + gros pied
D'ailleurs, les acteurs de The Raid n'ont pas traîné à devenir des stars, appelées par Hollywood pour devenir des cautions évidentes sur des projets plus ou moins faisandés. Tandis que les talents d'Iko Uwais se sont retrouvés charcutés par le montage de Peter Berg dans 22 Miles, Joe Taslim (le sergent de la troupe d'élite) s'est vu offrir le rôle tant fantasmé de Sub-Zero dans le reboot de Mortal Kombat par Simon McQuoid. Si l'on a longtemps espéré déceler dans ce choix une note d'intention, cette relecture des jeux de combat a clairement cherché à piocher dans The Raid, mais sans jamais en comprendre l'épure de son génie, ici troquée pour des chorégraphies trop brèves et répétitives, peu aidées par un découpage à la serpe.
Cet échec confirme à lui seul l'impact évident du film de Gareth Evans : alors que les États-Unis ont longtemps cherché à s'approprier le cinéma hongkongais lorsque celui-ci était au sommet, il semble que l'histoire se répète avec l'Indonésie. Et ce ne sont pas les projets de remake supposés de The Raid (par Joe Carnahan ou désormais Patrick Hughes) qui vont prouver le contraire...
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Pareil que GarlickJr.
On ne peut pas nier l’originalité des films de HK des années 80/90, et l’impact qu’ont eu les John Woo sur le cinema d’action mondial (moins le cas des tsui hark quand même dont le « style » ne s’est pas réellement exporté).
Comme pour moi, on ne peut pas nier l’impact de the raid. D’autant plus que the raid sort d’un marché du cinéma mine de rien assez confidentiel.
Ce qui est fou avec The Raid c’est bien la pression horrifique de la chasse à l’homme (avec des antagonistes assez originales, pas tout les jours qu’on voit ce genre de personnage malgré le peu de scénar et de mise en scène qu’on a avec eux, et c’est ce qui fait sa force) et ces scènes d’action elle aussi original voir réaliste parfois, cette ambiance huit-clos rend le film immersif et on en prend plein la tronche, enfin voilà j’aurais trop de chose à dire concernant The Raid qui selon moi est le meilleur film d’action qu’on a pu avoir, j’ espère que le remake sera à la hauteur !
Un peu étonné des commentaires pour en avoir bouffé des HK en terme de chorégraphie ça n’a rien à voir. Ça faisait longtemps que j’ai pu regarder un film de baston sans avoir cet air de « déjà vu » (peut-être Ip Man pour le style mais la réalisation et le scénario sont on ne peut plus classique de ce qui se fait déjà). La baston final à 2 contre un est exceptionnelle. Il-ya une vidéo sur youtube de la répétition de Rama vs Mad Dog, un travail d’orfèvre.
J’ai bien aimé mais sans plus, comme quelques autres ici, je trouve que c’est une remise au gout du jour du cinéma HK des années 80/90.
@zarbiland
Même qu’on en parlait ici !
https://ecranlarge.telechargerjeux.org/saisons/critique/1175598-gangs-of-london-saison-1-que-vaut-la-serie-ultra-violente-du-realisateur-de-the-raid
A voir d’urgence pour ceux qui ne l’auraient pas fait la série Gangs Of London du même Gareth Evans..
Ong bak, The Raid, deux excellents films.
pour faire la synthése de ce que j’ai lu ci-dessous et qui est de plus mon avis : revolution non, car en terme de choregraphie ou de realisation, ou même de violence, HK avait deja révolutionné la chose 30 ans avant, par contre The raid a peut etre durablement réinstallé l’idée qu’un bon film de tatane dans la gueule devait etre lisible, impactant, bien chorégraphié et sans câble. Ong Bak avait deja essayé, mais en terme de violence ou de choregraphie c’etait en dessous de The raid, Ong Bak c’est autant des cacades que du combat, The raid c’est 100% savate dans la tronche. Et puis j’aime bien Tony Jaa mais il c’est un peu perdu en route le garçon, la ou Iko Uwai a fait 22 miles, the night come for us et même la série Wu assassins.
Euuuuuuh …. non.
Oui sur le coté chorégraphique, le montage et le découpage.
Non sur l’approche du genre.
C’est juste une mise à jour des canons du genre établi par le ciné de HK des années 80, qui avait pour lui d’avoir aussi (parfois) des scénarios béton et des acteurs de qualité.
Ceux qui ont découvert les Woo et les In The Line of Duty dans les 80’s peuvent dire que oui, là il y avait révolution. Depuis, c’est de l’upgrading…