Quatre ans avant la sortie du jeu The Last of Us, La Route.
Survivants d’une catastrophe inconnue, un père et son fils tentent de survivre dans un monde dévasté, où toute humanité semble avoir disparu. Leur vie n’est plus que survie, entre lutte quotidienne pour trouver de quoi se nourrir et se protéger du froid et détours pour éviter les autres groupes de survivants, souvent hostiles.
Ce pitch vous semble familier ? C’est normal. Toute ressemblance avec The Last of Us n’est absolument pas fortuite. Le film de John Hillcoat et le roman de Cormac McCarthy dont il est l'adaptation comptent parmi les principales influences du jeu Naughty Dog créé par Neil Druckmann et Bruce Straley et sorti en 2013.
QUESTION DE SURVIE
Comme le roman éponyme dont il est adapté, La Route préfère se concentrer sur les conséquences de la catastrophe qui a réduit le monde en cendres plutôt que sur ses causes. Le narrateur omniscient du livre de Cormac McCarthy est remplacé dans le film de John Hillcoat par la voix off du père, qui se souvient du monde d’avant. Et de sa fin. Un grand éclair, des secousses, les horloges qui s'arrêtent à 1h17… Une dizaine d’années plus tard, l’homme et l’enfant errent sur la route en direction du sud et de l’océan. Archétypes universels représentant ce qu’il reste de l’humanité, les deux personnages n’ont pas de prénom. Puisque la société n’existe plus, nul besoin de noms pour s’identifier et se définir socialement.
Débarrassé de ces questionnements, La Route se concentre sur le quotidien de ses protagonistes dans un monde post-apocalyptique. Rarement un film aura mis en scène de manière aussi réaliste la lutte pour la survie de ses personnages. Les dangers qui les menacent sont nombreux, avec en premier lieu le froid et la faim (Viggo Mortensen a par ailleurs perdu une quinzaine de kilos pour ce rôle).
Comme dans un jeu vidéo, les personnages fouillent les moindres placards et tiroirs des habitations vides qu’ils trouvent sur leur chemin, à la recherche d’objets utiles : vivres, outils, armes. Une boîte de conserve ou une couverture représentent une trouvaille inestimable, quand les personnages sont habituellement obligés de se rationner et de bourrer de sacs plastiques ou de papiers leurs chaussures usées pour se protéger du froid. Quand ils ne sont pas obligés de dormir dehors, leurs nuits de luxe se ent dans des voitures ou des maisons abandonnées, en essayant de ne pas attirer l'attention d'autres survivants.
Car comme souvent dans les récits post-apocalyptiques, ce sont les humains qui représentent la menace principale. Le père évite de croiser d’autres groupes de survivants, par crainte de tomber sur des voleurs ou des tueurs cannibales… Face à de telles perspectives, la question du suicide est omniprésente. Depuis le choix du suicide de la mère, vu en flashbkack à travers les souvenirs du père, jusqu'à la famille pendue croisée sur leur chemin, le père et le fils côtoient la mort tout au long du film. Ce choix dramatique apparait presque comme un soulagement, une porte de sortie possible. Le père garde donc ses deux dernières balles pour son fils et pour lui, en dernier recours.
Le monde d'après
Comment mettre en scène le monde d’après ? Celui d’après l’effondrement, d’après la catastrophe (que l'on suppose écologique) qui aura fait disparaître la vie, du moins telle qu’on la connaît ? Fidèle au roman de Cormac McCarthy, John Hillcoat met en scène un monde dévasté, où tout (ou presque) est mort.
Par ses choix esthétiques, John Hillcoat fait de La Route une représentation de la désolation à grande échelle. Les tableaux de paysages dévastés, de villes mortes, de voitures rouillées et de ponts effondrés sont parmi les plus beaux jamais portés à l’écran. Des plans larges viennent immerger les personnages dans la désolation, les perdre dans l’immensité du chaos, au milieu des carcasses de voitures et de bateaux, des arbres morts et des cendres.
La palette chromatique désaturée, dans les tons gris (le film semble presque en presque noir et blanc) reflète l’état d’un monde mourant. Aucun espoir à l'horizon. Les végétaux et les animaux ont disparu, les arbres meurent et tombent sur le age des personnages. La mer semble s’être aventurée loin de la côte, charriant des bateaux au milieu des villes et des plaines. Des feux géants se propagent et transforment ce qu’il reste du monde en cendres. Même l'océan, le dernier espoir pour les personnages n’est finalement qu’une masse d’eau surplombée par un épais brouillard, sans horizon, sans espoir.
Ces tons désaturés contrastent néanmoins avec quelques beaux moments, légèrement plus colorés. Les flashbacks du père, qui revoit en rêve sa femme (incarnée par Charlize Theron) et revit des moments de leur bonheur révolu, sont éclairés dans des tons chauds, tirant sur le jaune. Certains objets anodins deviennent de véritables trésors, comme la découverte d’une canette de Coca d'un rouge un peu terni par le temps, mais qui reste la première jamais bue par l’enfant. Sans oublier l’arc-en-ciel formé par la brume dans une cascade dans laquelle les personnages se baignent.
Ces moments sont autant de respirations salutaires dans un récit lourd et grave. Un bain et une coupe de cheveux, la découverte d'un abri rempli de conserves ou encore le repas royal qui s'ensuit deviennent de rares moments de joie dans la grisaille de la vie des personnages. Cette structure narrative se retrouve également dans The Last of Us, qui alterne entre flashbacks et souvenirs de Joel et sa fille, séquences de tension dans le présent et moments de tendresse et de complicité, au fur et à mesure que la relation entre Ellie et Joel se développe.
Un rayon de couleur dans ce monde gris
The good guys
Comment garder espoir et pourquoi continuer à vivre dans un tel monde ? La seule chose qui rattache le personnage du père à la vie et au monde, c’est son enfant. « Je lui raconte parfois des histoires de courage et de justice, bien que je m’en souvienne mal. Cet enfant m’assure de mon existence. Et s’il n’est pas la parole de Dieu, c’est qu’Il n’a jamais parlé », dit le père dans le monologue qui ouvre le film.
Dans La Route comme dans The Last of Us, c’est la figure de l’enfant qui sert de conscience et de compas moral à l’adulte. Dans La Route, l’homme continue à avancer vers le sud avec son fils, dans l’espoir d’y trouver un climat plus doux, plus de ressources, et pourquoi pas d’autres survivants moins hostiles. Dans The Last of Us, Joel trouve en Ellie une fille de substitution, un nouvel enfant à protéger, des années après la perte de sa propre fille, au début de l'épidémie.
La figure de l’enfant innocent, qui n’a pas connu la civilisation, sert de garde-fou à l’adulte, lui donne de l’espoir, une raison de continuer à (sur)vivre et surtout lui rappelle son humanité. Ce questionnement est commun au film, au jeu et à la série : ce sont les choix éthiques qui guident le développement des personnages, qui choisissent de « porter le feu » au lieu de céder à la peur et à la haine.
Et quand dans La Route, le père refuse d'aider un vieillard inoffensif, son fils est là pour le rappeler à l’ordre, pour lui rappeler les principaux moraux d’un monde qu’il n’a même pas connu. Quand le père prend à son tour tous les vêtements d'un survivant qui avait tenté de voler leur chariot, l'enfant s'oppose et proteste, même s'il n'a pas gain de cause. Car même si l'adulte cherche à être bon, il ne parvient pas toujours à échapper à la haine, à la vengeance, ou aux choix immoraux pour se protéger et protéger son enfant. Comme l'ultime choix de Joel dans The Last of Us.
Bien évidemment, les influences de The Last of Us sont multiples. De l'aveu de ses créateurs, la base dystopique du jeu, reprise dans la série, est en grande partie inspirée de celle de La Route, mais aussi d'autres références comme Les Fils de l'homme, Je suis une légende, 28 Jours plus tard, The Walking Dead et Resident Evil, pour les infectés, qui ajoutent une menace supplémentaire au jeu. En s'inspirant d'un film à la beauté plastique indéniable et aux thématiques nihilistes et désespérées, The Last of Us propose aux joueurs le meilleur des deux mondes : un aspect immersif et émotionnel renforcé par le développement des personnages sur plus de vingt heures de jeu.
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Bien joué, j’ai souvent pensé au film en faisant le jeu…
Mais j’ai adoré le film, j’ai même versé ma larmichoune à la fin…
Alors, que m€rde quoi ! j’suis un bonhomme !
La vision la plus proche de ce qu’on aura certainement pour une fin du monde…
quelque chose de lent, dépriment, et pas fantastique pour un sou.
Un très grand souvenir de cinéma ! Contrairement à moi, mon voisin avait détesté. Trop déprimant. Depuis, nous n’allons plus jamais ensemble au ciné (son truc c’est plutôt Marvel, les remakes Disney et les shonens nekketsu)
*Lui doit tout ?
Oui mais non.
Un pitch de de départ ne fait pas toute l’histoire.
THE LAST OF US doit tout à ce film, ainsi qu’au FILS DE L’HOMME, et un autre film d’infectés que personne ou presque ne connait, en un seul titre, ou suite à un pathogène fongique, les gens mutent, et ont exactment la même tête que les clikers du jeux!!!
naughty dog a tout pomper!!!
@Nico
Pareil, j’ai eu du mal, notamment avec le petit qui opine toujours du chef avec son d’accord a longueur du récit.
Je vais me le lire à nouveau car ça doit faire 10 15 ans que je l’ai lu
@Prisonnier
Pareil , le parti pris d’écriture de Cormac McCarthy est déstabilisant et m’a rendu la lecture du roman pénible.
Je l’ai attendu, le survival réaliste, âpre et sans concession, alors avec ce casting, cette technique et ce matériau de base (que j’aime tout autant), c’était inespéré. Et bien sûr que la filiation avec The last of us est évidente et même affichée.
Une des rares fois où je préfère le film au livre