Comédie horrifique hilarante, Eli Craig est le mariage idéal entre Massacre à la Tronçonneuse et la trilogie Cornetto.
La comédie horrifique est un genre capricieux dans lequel tout est une question de dosage. Avec trop peu de comédie, on se retrouve face à un film d’horreur parasité par des blagues étrangement hors sujet. Mais avec trop de comédie, on assiste à une farce poussive qui relève plus de la parodie que d’un long-métrage capable d’embrasser réellement les deux genres.
Un des maîtres du genre s’appelle Edgar Wright. Avec sa trilogie Cornetto, en particulier les deux premiers opus Shaun of the Dead et Hot Fuzz, le cinéaste britannique a donné vie à de véritables modèles de comédies horrifiques. Un des héritiers les plus évidents de Wright est sans aucun doute Eli Craig avec Tucker & Dale fightent le mal. Mais là où son film aurait pu n'être qu’une relecture américaine du style Wright, le réalisateur s’assure de lui offrir une véritable identité propre. Voyons comment il tient son pari de bout en bout.
Des vacances presque parfaites
ON PEUT RIRE DE TOUT
La première réussite de Tucker & Dale fightent le mal est sa capacité à gérer plusieurs registres comiques avec brio. Le premier point marquant du film est son envie de proposer une sorte de buddy movie décalé avec le duo improbable formé par Tucker et Dale. La dynamique des deux personnages peut fortement rappeler celle du duo Simon Pegg et Nick Frost chez Edgar Wright. À vrai dire, on peut même retrouver certains clins d’œil appuyés jusque dans l’habillement et l’allure des personnages.
L’hommage n’est cependant jamais une pâle copie chez Eli Craig. Ses héros peu glorieux ont quelque chose d’unique qui les rend immédiatement attachants. Ils sont évidemment drôles, complices bien que très différents et d’une sincérité presque enfantine. Mais ils revisitent également la figure du péquenaud de l’Amérique profonde, le stéréotype qui est généralement relégué aux rôles secondaires inquiétants ou ridicules. Tucker & Dale fightent le mal nous propose de rire avec les laissés pour compte plutôt que de s’en moquer avec mépris.
L’autre ressort comique du long-métrage se trouve du côté des quiproquos. Toute l’histoire n’est qu’un enchaînement ininterrompu de malentendus qui s’intensifient et prennent des proportions absolument folles. Les catastrophes sont si absurdes qu’elles en deviennent hilarantes. Le parti-pris risquait de rendre le film prévisible. En effet, à partir du moment où l’on saisit le concept général, il n’est pas difficile de prévoir d’où viendra la prochaine mort sanglante.
Il y a cependant un savoir-faire terriblement efficace qui nous permet de er outre. Plutôt que de jouer au petit malin qui croit son film plus surprenant qu’il ne l’est, Eli Craig assume complètement son amour de l’absurde. Au fur et à mesure du récit, on assiste à une forme de slapstick revisité qui pousse tous les potards à fond dans le gore. Remplacez la tarte à la crème par une tronçonneuse et vous obtenez l’humour violent de Tucker & Dale fightent le mal.
Attention, c'est une véritable boucherie
Cette gestion brillante de l’humour noir est d’ailleurs le dernier point crucial qui vient caractériser l’aspect comique du film. On assiste à un festival hilarant de gore : membres coupés, corps déchiquetés et jets de sang qui auraient de quoi faire pâlir les duels chevaleresques de Monty Python : Sacré Graal. Le cinéaste ne se contente pas de gerbes de sang numérique et nous offre une bonne dose d’effets pratiques bricolés avec soin. Régressif certes, mais ludique et irrésistible.
Tucker & Dale fightent délaisse ainsi l’aspect psychologique du cinéma de Wright pour une approche plus spectaculaire. On ne suit pas le destin de personnages emprisonnés dans un quotidien qui ne leur convient plus. Au contraire, le film met en scène des messieurs Tout-le-monde qui sont bien heureux de l’être et dont le calme va être perturbé par une avalanche d’accidents et de cadavres.
La sécurité au travail, c'est important
LA CITÉ DE LA PEUR
Avec un tempo comique à toute épreuve, Eli Craig remporte déjà haut la main la moitié de son pari. Mais encore fallait-il assurer du côté de l’aspect horrifique. En effet, la gestion de l’horreur est ce qui différencie une pure comédie horrifique façon Shaun of the Dead d’une parodie bas du front comme Scary Movie. Tout se joue dans la maîtrise des codes du genre et dans l’intelligence avec laquelle ces codes sont détournés ou exagérés.
Fort heureusement, Tucker & Dale fightent le mal s’illustre avec brio sur ce second registre. Le film ne se contente pas de se moquer du genre. Il le respecte et l’aime suffisamment pour proposer de véritables morceaux de bravoure. Entre esthétique cohérente et séquences de tension efficaces, on sent que le réalisateur a pensé son projet pour qu’il ait des enjeux horrifiques concrets.
Là encore, Eli Craig va trouver l’équilibre idéal entre hommage et identité propre. Le réalisateur connaît ses classiques et ça se voit. On trouvera évidemment des références très appuyées à Massacre à la Tronçonneuse. Mais difficile de ne pas voir également l’inspiration de Sam Raimi et ses Evil Dead ou encore du maître Wes Craven – tant dans les purs moments de tension que dans la méchanceté méta façon Scream.
Mais ce flot de références ne se fait jamais aux dépens du récit. Les clins d’œil ne sont pas gratuits, ils viennent appuyer la narration ainsi que le propos sous-jacent du long-métrage. Au final, on se retrouve face à un petit film sans prétention fait par un ionné, pour des ionnés. Et cette sincérité ne peut que séduire les amateurs de cinéma de genre.
ELEVATED COMEDY
Au-delà de proposer une comédie horrifique pleinement maîtrisée, Eli Craig crée une œuvre unique en proposant plusieurs pistes de lecture assez ionnantes. Premier constat évident, son film fait état de la fracture sociale qui frappe les États-Unis en opposant étudiants citadins privilégiés et simples citoyens de la classe moyenne sans éducation. C’est d’ailleurs le mépris de classe qui sera le déclencheur de toutes les catastrophes à venir. Les étudiants jugent Tucker et Dale coupable simplement parce qu’ils ont – selon eux – la tête de l’emploi.
Le film s’approche paradoxalement bien plus de l’esprit original de Massacre à la Tronçonneuse ou de Délivrance que la plupart des films d’horreur qui s’en sont inspirés. On retrouve ainsi la figure du redneck utilisée telle qu’elle était pensée par Tobe Hooper et John Boorman, celle d’une classe sociale abandonnée puis marginalisée. Les étudiants qui se croient parfaitement civilisés sont bien pires que ceux qu’ils jugent dans leur instinct primaire consistant à attaquer ce qui ne leur ressemble pas.
Un petit coup de maquillage et tout ira mieux
Tucker & Dale fightent le mal vient également déconstruire habilement la figure du héros classique de film d’horreur pour adolescents. Le bien nommé Chad incarne tout ce qui devrait faire de lui le protagoniste dans ce type de production : il est beau, il est riche, les filles craquent pour lui et il a de l’autorité. Ça n’est pourtant pas anodin si Eli Craig décide d’en faire le seul et unique antagoniste lors d’une toute dernière bascule scénaristique inattendue.
Il suffit de revoir le film avec plus de recul pour percevoir que tous les indices étaient devant nos yeux. Chad était immédiatement présenté comme un prédateur potentiel. Le mâle toxique par excellence qui ne semble pas concevoir l’idée qu’une femme puisse lui dire non et qui se considère de toute évidence comme le seul sauveur musclé face au danger. Celui qui humilie pour dominer, celui qui n’attend qu’une simple excuse pour sombrer dans un cercle violent.
Quand t'es pas venu ici pour souffrir
Derrière la gentille comédie régressive qui découpe des étudiants à la scie à bûches, Tucker & Dale fightent le mal propose une réflexion inattendue sur le rôle des clichés horrifiques dans les représentations sociales. Mépris de classe et masculinité toxique en prennent plein la tête entre deux blagues grotesques et une attaque à la tronçonneuse.
Si la comédie horrifique est un genre qui repose entièrement sur l’équilibre, Eli Craig s’avère être un funambule particulièrement doué. Avec un film faussement bête, il propose une expérience réjouissante qui multiplie intelligemment les hommages tout en proposant une réflexion habile sur les codes et stéréotypes détournés. Reste le regret de voir que la suite promise n’est toujours pas arrivée et ne verra très probablement jamais le jour.
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Oh oui ! Encore ! Génial à mourir ce film !
Super film qui m’avait fait beaucoup rire à sa sortie, à ne pas rater.
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Clément Coasta
excusez-moi de faire mon rabat-joi, fiers canadien ici , mais même, si le real est américain, il a été tourné au canada, avec une majorité acteur canadiens et un producteur canadien, d’ailleur imdb, le considère comme un film canadien. Il a déjà si peu de film canadien produit et encore moins qui s’exporte, si en plus, les seuls qui y arrive, le mérite va au américain !
@Bob : Plus précisément il s’agit d’une coproduction américano-canadienne, réalisée par Eli Craig qui est un cinéaste américain.
Toi aussi tu es un bouseux haha j’avais vraiment bien ce film et ses morts stupides xD
Excellent! Un des films qui m’a le plus fait rire, franchement c’est mortel… Le laïus sur l’amour en mangeant des œufs durs… Juste génial. Excellent film, une des meilleures comédies existantes.
« Mais là où son film aurait pu n’être qu’une relecture américaine du style Wright » tucker and dale est un film canadien !
Absolument génial ! J’en fait de la pub régulièrement autour de moi ! Foncez !
Je plussoie, une pépite ce film !
J’ai mis des heures à me remettre du coup de la broyeuse ^^
« Quand un type comme moi tombe amoureux d’une fille comme toi, c’est normal qu’il y ait des morts » 😀
Excellente comédie mais qui va être difficile à voir au format physique car le blu-ray fait parti des trop nombreux disques défectueux et qui ne sont plus remplacés