En 2007, Julien Maury et Alexandre Bustillo éclaboussaient les salles françaises avec l'archi gore À l'intérieur, devenu culte outre-Atlantique.
Simultanément à la sortie en salles de leur dernier long-métrage, Le Mangeur d'Âme, Julien Maury paraît en Blu-ray chez ESC. L'édition française suit une projection évènementielle au PIFFF en 35mm, ainsi qu'une édition anglaise cossue signée du prestigieux Second Sight. Pas de doute : aussi bien en que chez nos voisins anglophones, le film a marqué les esprits.
Il faut dire que plus de 15 ans après, il reste l'un des projets les plus radicaux jamais produits en , ainsi qu'un des représentants les plus célèbres de ce que les médias américains qualifiaient de New French Extremism. Petite plongée au coeur de la parenthèse enchantée du cinéma crado tricolore, où deux jeunes cinéphiles pouvaient littéralement retapisser les murs d'un pavillon de banlieue avec l'aval de la production.
Mad Movie
Comme ils l'ont raconté lors de la projection et dans le PIFFFcast, Alexandre Bustillo et Julien Maury se sont rencontrés sous des auspices cinéphiles. Au milieu des années 2000, l'un écrit dans le célèbre magazine spécialisé Mad Movies depuis qu'il est étudiant. L'autre, autrefois metteur en scène des making-of d'Un gars, une fille et réalisateur de courts-métrages – notamment le rigolo Pizza à l'oeil – le lit depuis longtemps.
Bustillo, projectionniste de métier, écrit en sus de son activité de critique des scénarios, et parvient à se trouver un agent. Tandis qu'il présente P2, un thriller se déroulant dans un parking, il développe À l'intérieur, qu'il aimerait proposer aux côtés d'un réalisateur plus expérimenté. Un ami en commun lui présente Maury. Très vite, ils s'entendent et se mettent en tête de tourner le film "à la Peter Jackson" c'est-à-dire sur les week-ends et sur leurs deniers.
Mais leur fameux agent, qui adore le scénario, choisit de le faire lire à un distributeur, La fabrique de Films. Celui-ci, fort de la sortie de The Descent, cherche à se lancer dans la production de cinéma de genre. Sur la foi de démos tournés par le duo, il se lance dans l'aventure, probablement bien conscient qu'il s'inscrit dans un mouvement... Budget envisagé, selon Julien Maury, interrogé en 2009 par Sci-Fi Now : 1,7 million d'euros, soit très peu pour un film comportant autant d'effets spéciaux.
Bien que le scénario ait été écrit avec Sylvia Kristel (Emmanuelle) en tête, celle-ci refuse pour des raisons personnelles. C'est La fabrique de Films qui leur apporte la nouvelle : Béatrice Dalle a lu le scénario et elle adore. Une sacrée pression pèse sur leurs épaules, mais ça ne va pas les empêcher de faire tourner la turbine à tripailles.
La performance de Dalle : béton
Permis de tuer
Si un projet aussi extrême est validé aussi promptement avec des réalisateurs aussi inexpérimentés, c'est également parce qu'il s'inscrit dans une véritable résurgence de l'horreur en . Déjà au début des années 2000, un studio avait tenté de faire saigner le territoire. Fidélité Production avait lancé une collection "Bee movies", composée par exemple d’Un Jeu d'enfants, Requiem, Samouraïs, Bloody Mallory et Maléfique. Les budgets rachitiques les faisaient pour la plupart lorgner sur le bon gros bis fauché, voire sur le nanar pur et dur, si bien que la presse en a atomisé plus d'un et que le public a très rarement suivi.
Mais en 2003, Haute Tension a prouvé non pas que le cinéma d'horreur plaisait particulièrement au public français, mais qu'il pouvait s'exporter outre-Atlantique. D'ailleurs, selon le producteur Marc Missonnier, interrogé par Le Point, les Bee movies se vendaient déjà plutôt bien à l'étranger. En 2006, le directeur des acquisitions de Canal Plus, Manuel Alduy, remet une énorme pièce dans la machine en fondant le label "French Frayeurs", avec l'intention de jouer dans la cour des grands. C'est sur son bureau qu'atterrit À l'Intérieur, aux côtés de Frontière(s), La Horde ou bien entendu le définitif Martyrs, qui sortiront un peu plus tard.
Au commencement, il y avait Haute Tension
Un duo de jeunes cinéphiles liés par Mad Movies et la méthode Jackson, un label tout neuf sur le point d'organiser un véritable raid horrifique au pays de Michel Sardou... Voilà une rencontre inespérée qui aura rarement lieu dans l'industrie et qui va allégrement éclabousser les murs. Comme peu après lui et quasiment aucun avant lui, À l'intérieur arrive au bon endroit, au bon moment pour aller au bout de ses idées. En l'occurrence, ces idées consistent à exploser les limites du splatter dans un cadre minimaliste.
Persuadés qu'il s'agit peut-être à la fois de la première et dernière occasion de se faire plaisir, les deux compères se lâchent. Ils réclament toujours plus de gore, dans une ambiance très empruntée aux années 1970. Quant à Béatrice Dalle, elle est habillée en référence aux Innocents. À cause du budget, ils tournent dans une véritable maison pavillonnaire, qu'ils recouvrent de tripes et de faux sang, avant de la rendre à ses honnêtes propriétaires, lesquels ne se doutaient peut-être pas de la boucherie qui s'y déroulerait. À la fin du tournage, l'équipe se rend compte que les litres d'hémoglobine du climax sur les escaliers ont pénétré dans la pièce d'en dessous. Une rallonge leur permet de er littéralement l'éponge.
Un véritable carnage particulièrement bien mis en scène et photographié par Laurent Barès, rescapé du tournage de l’ultra-bourrin Frontière(s) (celui-ci sortira quelques mois plus tard) et qui enchainera sur La Meute, The Divide, Livide et plus récemment Gangs of London. Ils sont si généreux et si libres (personne ne leur demande des comptes) qu'ils se forcent ironiquement à enlever un peu de sang en post-prod'. Aujourd'hui, difficile d'imaginer telle licence.
À l'extérieur
En , sanctionné d'une interdiction aux moins de 16 ans avec avertissement, et suite à une présentation en Semaine de la critique, il sort le 13 juin 2007 face à Shrek le troisième (oui) et dans 110 petites salles. Il doit faire face à l'éternelle défiance du public français, qui boude généralement le genre quand il n'est pas affilié à une franchise ou a minima américain. Ainsi, il bande les muscles. Selon Le Monde, le distributeur dépense 800 000 euros en publicité, qui font monter l'addition totale à 3 millions. Malgré une presse moins sévère qu'à l'accoutumée et les louanges de la presse spécialisée (Mad Movies parle d'une "date dans l'Histoire du cinéma d'horreur"), il attire 70 839 spectateurs.
Mais À l'intérieur confirme surtout une triste vérité: ce cinéma-là plaît plus aux autres pays qu'au nôtre. La preuve, avant même la fin du tournage, Bob Weinstein appelle le duo pour lui asséner : "Je veux votre film". Il sortira donc chez Dimension Extreme, directement en vidéo, aux États-Unis. Là-bas, il séduit bien plus largement la critique, notamment la critique spécialisée, qui est en train de se prendre de ion pour ce cinéma français tapageur.
Balancé en 2004 par un critique canadien, le terme "New French Extremity" revient régulièrement. Les metteurs en scène donnent du crédit à un mouvement alors représenté par Haute Tension, lui aussi très bien reçu chez l'Oncle Sam. Ça tombe bien, il s'agit de l'un de leurs modèles. Parfois au détriment de la réalité de la production hexagonale, qui galère à constituer des devis et se coltine une résistance des spectateurs tenant presque du principe de vie, cette suite de films va ionner les amateurs d'horreur étrangers, si bien qu'elle y deviendra bien souvent plus populaire que dans son pays d'origine.
La preuve : tout de suite, via les Weinstein, l'industrie hollywoodienne gobe tout rond les deux Français, avec divers projets de franchise qui échoueront tous les uns après les autres, jusqu'à Leatherface, tristement charcuté dans leur dos. On leur aurait même proposé un remake assuré par leurs soins, ce qu'ils auraient décliné. Finalement, après être é entre les mains de Jaume Balagueró, un remake sera bien réalisé en Espagne par Miguel Ángel Vivas.
C'est tout de suite un peu plus propre
Depuis, du sang a coulé sous les ponts, la manne des French Frayeurs s'est tarie à peine quelques années plus tard et les producteurs ont réappris à mépriser non pas le cinéma d'horreur (il est de plus en plus représenté), mais le bon splatter dégoulinant d'hémoglobine, de tripes et de placenta frais. À l'intérieur reste une sorte de miracle spontané que même ses réalisateurs, pourtant à la tête de projets ionnants (oui, ici on aime Livide), n'ont pas réussi à reproduire, un alignement des étoiles qui le rend aussi précieux chez nous que culte à l'extérieur.
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Dans les années 2000 il me semble qu’on trouvait beaucoup de films français très gores.
Je les découvrit plus tard mais je trouve ça cool qu’il y ait eu au moins un temps une période propice à l’horreur en .
Ce n’est pas tellement le film qui est un miracle, c’est le fait d’avoir pu le faire en l’état, dans un pays comme la , et d’avoir pousser les curseurs au max, le scénar importe peu, la rage et la mélancolie l’emporte sur le reste.
Quand à thé deep horse, c’est probablement le meilleur film du duo, tour de force technique nanti d’un vrai high-concept..
Parler de « petit miracle » pour un film juste honnête au mieux, ça résume bien le niveau able de la production fantastique/épouvante à la française! C’est leur meilleur film en effet (ou le moins raté, c’est selon!) J’avais trouvé le film correct au cinéma à sa sortie même si la révision en dvd m’a fait ressortir ses défauts, ça reste quand même un film d’horreur au scénario assez basique, limité, sans grande ambition. Leurs oeuvres suivantes n’ont fait que confirmer les carences de leur cinéma, le pire pour moi étant ce THE DEEP HOUSE mou et sans imagination qui gâche un « pitch » pourtant plutôt intrigant.
Meilleur film d horreur francais et l’un des meilleurs dans sa catégorie tout pays confondu.
Ce film m’a tellement marqué que je ne l’ai jamais revu.
La dernière image est gravée à jamais dans mémoire.
Film extrême, sans compromis, jusqu’au boutiste et pour un public très très averti.
Une anomalie dans le cinéma français qu’aucun autre film n’a su égaler encore aujourd’hui
Ce qui se fait de pire dans le film de genre français. Mal écrit, mauvais acteurs et actrices, incohérences et j’en e. Et puis cette obssession française pour les banlieues : qu’est ce que cet arrière plan” social » vient foutre dans l’histoire?
Excellente surprise à l’époque, faudrait que je le revoie (seul) , une belle édition est sortie récemment je crois.
Vu à l’époque de sa sortie, j’ai bien aimé ce film, il y a des scenes assez dures ou j’ai fermé les yeux … Salle presque vide et certains ont quitté la projection. Un film éfficace et une Béatrice Dalle au top (j’avoue avoir été voir le film pour elle, une actrice charismatique que j’adore et qui ne choisit jamais la facilité).
J’ai jamais vu ce film. Ça vaut le coup d’œil ?