J.J Abrams, le nouveau roi d’Hollywood

Par Guillaume Meral
14 juin 2013
MAJ : 9 septembre 2018
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Nanti de critiques dithyrambiques, Star-Wars post George Lucas qui dira le contraire. Là réside le paradoxe J.J Abrams : personnage multi-casquettes et cumulards de fonctions et de projets comme seul Hollywood peut en générer, le bonhomme continue pourtant de susciter des levers de sourcils sceptiques chez ceux qui s'interrogent sur la nature même de sa popularité. Autrement dit, si l'existence d'une marque J.J Abrams semble bel et bien avérée, il est plus difficile en revanche de savoir à quoi l'attribuer : sa personnalité artistique ? Son activité de producteur ? Les retombées de son statut d'entrepreneur (ultra) dynamique ? Nous allons tenter de faire avancer le schmilblick en cinq questions posées sur le réalisateur.

  

1° Qui est-il ?

Né en 1966, le petit Jeffrey Jacob grandit avec les étoiles que lui envoient à foison dans les mirettes le nouveau cinéma américain des années 80, berceau et âge d'or de la culture geek contemporaine qui lui doit bon nombre de ses référents. Dés lors, sa trajectoire s'ingénie à suivre le parcours fléché du « petit geek illustré », initié par Star Trek et s'apprête à relever le plus gros défi de sa carrière avec le reboot de Star Wars.

 

 

2° Pourquoi il cartonne ?

Indépendamment de ses qualités discutables derrière la caméra (nous y reviendrons), force est de constater qu'une bonne part du succès d'Abrams tient dans sa capacité à avoir enlevé des mains des gardiens du temple tout un imaginaire geek pour l'accommoder sans trop le dénaturer aux aspirations du public lambda. Abrams ménage la chèvre et le chou avec un succès tel qu'il parvient à fédérer autour de sa personne un consensus général, au point de parvenir à recueillir l'approbation de ceux-là même qui n'hésitent pas à relativiser ses compétences de metteur en scène. Une capacité à fédérer qui ne fait que s'accentuer avec les années, repoussant ses détracteurs à la marge, comme le prouve le bon accueil d'Into darkness. Véritable médiateur dans le processus de « normalisation » de la contre-culture en somme, dont le point d'orgue réside sans nul doute dans son reboot de Star trek, prototype de l'univers stigmatisé à outrance par les non-convertis qui voit son hermétisme ébranlé sous l'impulsion d'Abrams, le chantre du rapprochement entre les peuples. Une caractéristique acquise au cours de ses années T.V, qui le virent devenir le déclencheur de véritables phénomènes de sociétés (Alias, Lost) bâtis sur des postulats à priori peu propices à sortir du cercle des initiés de ce genre de récit feuilletonesque. Sans compter qu'il joue très bien du clavier-électronique.

 

3° Peut-on parler de style J.J Abrams ?

Là réside le principal point de contentieux entre les laudateurs inconditionnels du bonhomme et ceux qui demandent encore à être convertis, à savoir ses réelles capacités de metteur en scène. Le problème ne vient pas seulement des origines de téléaste de l'homme, qui se ressentent dans ses partis-pris visuels les plus flagrants (voir l'usage systématique de la longue focale), mais aussi dans un art du récit reléguant la mythologie derrière une narration subordonnée à la logique du rebondissement perpétuel, comme la fuite en avant d'un réalisateur qui amalgame rythme et péripéties. A cet égard, Tom Cruise à exposer avec une transparence presque embarrassante le numéro de névrosé égocentrique que constitue pour lui la franchise, faute d'un réalisateur doté de suffisamment de personnalité pour « habiller » le tout. A se demander au final pourquoi le nom de J.J Abrams est sur toutes les lèvres, quand l'essentiel de son style tend justement à transposer avec plus ou moins de succès des normes de mise en scène d'un médium à un autre. 

 

4°Abrams l'opportuniste ?

On le sait, si Abrams a pu se tailler une part de choix dans le gâteau hollywoodien, c'est non seulement eu égard à sa capacité à fédérer le public, ou sa propension à poser son nom sur n'importe quelle série high-concept trainant ses guêtres sur les networks, mais aussi (et surtout ?) ses qualités de commercial. Là se trouve l'une des facettes les moins mises en avant (mais pourtant omniprésente) du bonhomme, qui a au fond tout compris à la réalité du business d'aujourd'hui : il ne suffit pas d'être talentueux, il faut aussi savoir se vendre (il l'avoue encore cette semaine dans So film : "Il y a certainement des gens qui ont davantage de talent que moi et qui n'ont jamais eu leur chance. C'est une question d'opportunité"). Or, J.J a eu maintes fois l'occasion de démontrer qu'il maîtrisait mieux que personne le buz entourant ses films, au point que leurs conceptions semblent parfois donner l'impression de découler d'une campagne marketing pensée en amont plutôt que l'inverse (Super 8 qui pousse la confusion des genres à son paroxysme. Vendu comme le film le plus personnel de son auteur, le film s'apparente pourtant à une compilation de figures de style « made in Amblin » soigneusement concoctées pour flatter le public dans le sens du poil, jouant la carte de la nostalgie surannée d'un imaginaire avec lequel il ne tisse qu'un lien bien trop superficiel pour convaincre. Avoir le sens de la formule est une chose, savoir la mettre en scène en est une autre.

 

 

5° Un succès illégitime ?

Que J.J Abrams ne soit pas le plus grand metteur en scène en activité, où même l'un des foudres de guerre de sa génération, c'est un fait que peu de personnes iront contester. Le geek a beau être installé sur son trône, son ascension fut pavée par les fondations posées par les George Lucas, gageons que cette dimension lui permettra de ne pas connaître le destin du premier.

 

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