Antichrist, l’un de ses films les plus extrêmes. Et il pense que l’œuvre et l’artiste sont incompris.
Qui d’autre que Willem Dafoe peut se vanter d’avoir tourné avec Michael Cimino, Martin Scorsese, David Lynch, David Cronenberg, Sam Raimi, Wim Wenders, Guillermo del Toro, Abel Ferrara, Paul Schrader, Werner Herzog, Tim Burton, Tony Scott, William Friedkin, Zhang Yimou ou encore Oliver Stone ? Et de continuer à inspirer de nouvelles générations de cinéastes avec Wes Anderson, Yórgos Lánthimos ou Robert Eggers (encore récemment dans Nosferatu) ?
Depuis plus de 40 ans, la gueule et la voix de cet acteur hantent les écrans de cinéma, avec un don pour dénicher les rôles et les univers hors-normes. Logique donc qu’il ait fini par croiser la route de Lars Von Trier, à trois reprises : Nymphomaniac (2013).
Alors que le cinéaste danois a pris du temps pour s’occuper de sa santé, puisqu’il est atteint de la maladie de Parkinson, Willem Dafoe est revenu sur leur collaboration. Et particulièrement sur Antichrist, qui a évidemment excité pas mal d’esprits à sa sortie.
ANTICHRIST ANTI-FEMMES
Invité en janvier 2025 dans The Louis Theroux Podcast, Willem Dafoe a largement reparlé de Lars Von Trier – c’est même le titre de l’épisode. Il est notamment revenu sur Antichrist, où il tient le premier rôle aux côtés de Charlotte Gainsbourg, et la réputation sulfureuse de ce cauchemar en forêt :
« Je pense qu’il est mal identifié à cause de son côté extrême, mais je pense vraiment que ça aborde des choses intéressantes sur le pouvoir des femmes, la peur que les hommes ont des femmes, la lutte entre le logique et le magique dans la vie. Il y a beaucoup de politique à propos du sexe, et ce n’est pas du tout sur la misogynie. »
L’acteur fait référence au rapport de Lars Von Trier aux femmes, à la fois dans la fiction (les personnages de Breaking the Waves, Dancer in the Dark, Dogville, Nymphomaniac…) et la réalité (Björk l’a accusé de harcèlement sexuel sur le tournage de Dancer in the Dark).

Antichrist est d’ailleurs un bon exemple puisque le réalisateur avait au départ envisagé Eva Green pour le premier rôle féminin. Sauf que leur rencontre a mal tourné lorsqu’elle a commencé à lui poser des questions sur les scènes de nudité et de violence. « J’ai compris qu’on ne pouvait pas discuter avec M. Lars von Trier. Il faut tout accepter de lui, comme on accepte tout d’un maître« , expliquait-elle à L’Express en 2009.
Willem Dafoe continue sur la question des femmes dans le cinéma de Lars Von Trier :
« Je pense qu’il s’identifie plus avec les femmes qu’avec les hommes. Je peux vous dire ça parce que j’ai joué la personne carrée et logique dans ce film. Mais je pense qu’il est réellement curieux et c’est un super metteur en scène. Le prologue de ce film et l’épilogue, c’est du grand cinéma. »

Antichrist est profondément lié à la dépression de Lars Von Trier, et ce n’est pas un secret. Il a écrit le scénario durant une hospitalisation, et a étiré la thématique dans Melancholia avec le personnage de Kirsten Dunst. Willem Dafoe se souvient de son état pendant le tournage d’Antichrist :
« Il avait l’habitude de me dire chaque jour : « Je ne serais peut-être pas là demain, mais je peux te diriger à distance depuis la caravane que j’ai ». Mais il était là chaque jour. Mais il avait besoin de me dire ça chaque jour, à moi et à Charlotte. Ça brise un peu le coeur. Donc c’est un mec qui se bat contre beaucoup de choses. Mais il a un grand cœur et il a beaucoup apporté au cinéma. »
LARS VON CRISE
En 2009, Antichrist a sans surprise provoqué quelques AVC avec son bingo thématique (sexe, religion, violence, et la mort d’un enfant dès les premières minutes). Aux États-Unis, il est sorti unrated, c’est-à-dire sans er devant la Motion Picture Association (MPA), le comité supervisé par les studios hollywoodiens et chargé de classifier les longs-métrages exploités au cinéma selon leur degré de violence, gros mots et autres signaux sexuels – Terrifier 3 est un exemple récent de film unrated.
En , Antichrist est d’abord sorti avec une interdiction aux moins de 16 ans. Mais l’association catholique Promouvoir a mené une bataille pour changer ça, et après le rejet devant le tribunal istratif de Paris, elle a gagné devant la cour istrative d’appel de Paris. Le visa d’exploitation a ainsi été annulé, et Antichrist a alors été interdit aux moins de 18 ans – en 2016, sept ans après sa sortie au cinéma.

Questionné sur l’accueil du film, Willem Dafoe a répondu très simplement :
« Pour les cinéphiles et pour les gens qui m’intéressent, et avec qui j’ai de bonnes discussions, ils étaient intéressés par le film. Il n’a pas été pensé pour être un divertissement grand public. »
Pour rappel, Antichrist a valu à Charlotte Gainsbourg un Prix d’interprétation à Cannes en 2009. Avant elle, Björk l’avait eu pour Dancer in the Dark (également Palme d’or) en 2000 ; et depuis, Kirsten Dunst l’a reçu pour Melancholia en 2011.
Lars Von Trier, lui, a continué sa route dans le royaume des feel good movies avec les deux volets de Nymphomaniac (toujours avec Charlotte Gainsbourg) en 2013, puis The House that Jack Built, où Matt Dillon incarnait un tueur en série en 2018. Son dernier projet remonte à 2023, lorsqu’il est revenu à sa série L’Hôpital et ses fantômes pour une tardive saison 3, intitulée Exodus. Il serait actuellement en train de plancher sur un nouveau mystérieux film intitulé After.