Minus et Cortex : ce classique né grâce aux Animaniacs et Spielberg

Sans raison particulière, si ce n'est l'envie de remettre les souris sur le devant de la scène, retour sur le duo qui voulait conquérir le monde, et a vécu des aventures incroyables, en rendant hommage au cinéma et au monde des hommes (avec une moquerie bienveillante).

Quand on te demande pour la 56ème fois quel est le plan

AMIS D'ANIMANIACS

Tout a commencé en 1993 du côté des Animaniacs, autre série animée culte au générique entêtant qui a probablement enclenché l'hyperactivité de certains mômes. Derrière ces trois frères et sœurs Warner, qui sèment la panique dans les studios après s'être échappés des planches de dessin, et avoir été enfermés dans le célèbre chateau d'eau, il y a déjà Tom Ruegger. Repéré avec Scooby-Doo : Agence Toutou Risques de la société de production Hanna-Barbera (qui sera absorbée par Warner Bros. Animation en 2001), il deviendra un des esprits majeurs de la branche animation du studio, qui se lançait alors sérieusement dans les séries télévisées, en plein boom.

Spielberg est dès le départ dans l'équation, via sa boîte Amblin Entertainment. Diffusée dès 1990, Les Tiny Toons est la première collaboration de tout ce beau monde, avec l'ambition de redynamiser les Looney Toones installés depuis les années 40. Place donc à une nouvelle génération de héros animés, notamment Buster Bunny, Babs Bunny et Plucky Duck, qui cherchent à devenir aussi célèbres que leurs modèles Bugs Bunny, Daffy Duck et compagnie. Le succès est bien au rendez-vous pour la bande, qui cartonne à l'antenne durant trois saisons.

On s'amuse, on fait rire, la censure, on la fait fuir

Dès fin 1992, les efforts se déplacent directement sur Animaniacs, toujours avec Spielberg en producteur exécutif via Amblin (il est tellement impliqué qu'il aurait validé chaque personnage), et avec Tom Ruegger pour tout chapeauter. La liberté est alors quasi totale pour écrire, expérimenter, moquer et commenter le monde, en déployant un humour visant les adultes, avec des parodies récurrentes du Parrain (Goodfeathers), des Disney ou diverses personnalités publiques. Sans oublier des sous-entendus sexuels parfois calmés par la censure de la chaîne grand public. Il y a aussi une ambition technique évidente puisque les personnages ne cessent de bouger et sauter - loin des règles habituelles, de héros régulièrement statiques.

Animaniacs est un succès fantastique, séduisant enfants et adultes, et c'est là que les petits Minus et Cortex sont nés. Dès le générique, le duo de rongeurs apparaît aux côtés des autres seconds rôles, comme les Pigeons ou Mindy.

En version originale, Gary Oldman, lui aussi é par la série Batman).

Soyez cool, soyez relax, sur le rire, pas de taxe

THE WORLD IS MINE

Minus et Cortex assurent le service dans leur propre série dès 1995. Inutile de trop chercher la chronologie, la continuité ou la cohérence : comme dans la plupart des dessins animés du genre, tout se résume à une boucle infernale, épisode après épisode. Il s'agit de conquérir le monde à chaque fois, d'une manière ou d'une autre, avec divers stratagèmes. S'évader d'Acme Labs, mettre en place un plan à base d'imagination débridée ou d'appareil improbable, échouer lamentablement, retourner (ou être remis) dans la cage, et recommencer. Comme un Mythe de Sisyphe version rongeurs, ou plus simplement un Bip Bip et Coyote avec deux alliés contre le monde, à quelques rares exceptions près puisque certains épisodes se déroulent autrement.

Comme le révèlera la série plus tard, tout a commencé avec le projet BRAIN (Biological Recombinant Algorithmic Intelligence Nexus), qui a transformé ces deux souris ordinaires, et quelques autres specimens. Car Minus et Cortex ne sont pas les seuls : il y a aussi le hamster Boule de Neige qui veut lui aussi dominer le monde, mais avec des intentions moins douces ; Billie, la souris super-intelligente dont Cortex est super-amoureux, et qui, elle aussi, veut dominer le monde ; ou encore Larry, une autre souris créée pour redre les deux stars (de force, la faute aux producteurs).

La série a des idées aussi folles que ça

Durant 4 saisons et 66 épisodes, le duo vit de folles aventures. Cryogéniser les dirigeants du monde lors d'un sommet en Suisse, créer la panique en bricolant une invasion alien type La Guerre des mondes au JT, envoyer un message spatial pour se présenter en leader de l'humanité, créer une île factice pour arnaquer les Etats-Unis, faire fondre les pôles pour noyer la planète, copiner avec un alien de la Zone 51, assembler une armée de clones, inventer un robot, s'allier à des castors, contrôler les tornades, donner vie à une carotte pour la transformer en guerrière, utiliser le voyage dans le temps... Rien n'est trop absurde, ridicule, et loufoque pour remplir l'objectif.

Tout ça avec des invités de luxe qui prêtent leur voix (Christopher Walken...), ou sont mis sur la route des souris par magie (Freud, Orson Welles, H.G. Wells...). Sans oublier bien sûr la fratrie Warner des Animaniacs, qui apparaît régulièrement en clin d'œil le temps de quelques secondes.

Ceci est une carotte, qui a la voix de Mark Hamill

I'LL BE THERE FOR YOU 

Mais Minus et Cortex est bien sûr une histoire d'amitié, et divers épisodes différents des autres viennent l'illustrer. Dans le special A Pinky and the Brain Christmas, Brain crée une poupée-hypnotiseuse pour les enfants, afin de prendre le contrôle de la population. Le duo s'envole ainsi pour le pôle nord afin d'infiltrer les ateliers des elfes du père Noël, et ainsi distribuer la poupée dans le monde. Mais lorsque Minus fond en larmes en réalisant que sa lettre au père Noël n'a jamais été livrée, et que Cortex découvre qu'il n'avait rien demandé pour lui mais uniquement pour son compagnon de cage, le leader en oublie ses plans de domination.

Régulièrement, la série se permet des parenthèses décalées, que ce soit pour le plaisir simple (un hommage au film noir, à Robin des Bois, à Don Quichotte, au Tour du monde en quatre-vingts jours ou encore au Troisième homme), ou pour développer la personnalité des deux souris, et grandement nuancer leur opposition. Dans un épisode, Cortex retrouve ainsi par accident ses parents, restés des souris normales, avant qu'ils ne leur donne une forme d'intelligence. Dans un autre, il décide d'arrêter sa quête de conquête du monde, et ret un groupe de discussion type alcooliques anonymes pour en parler. Il era d'ailleurs plusieurs fois à côté de la grande victoire, par choix ou par accident, prenant conscience que l'important est ailleurs.

Boule de Neige, l'ennemi de Cortex

De son côté, Minus sera plusieurs fois montré comme bien moins bête qu'il n'y paraît. Devenu président, gourou, papa-poule, star de Broadway ou encore membre d'un club très privé sans son acolyte, il va même réussir à convaincre, dans un épisode, les leaders humains de confier le pouvoir à Cortex (qui va tout gâcher, pour une fois). Il parviendra également à le remettre sur le droit chemin moral, lorsque le cerveau veut utiliser l'industrie du tabac pour ses plans de domination, quitte à salir les enfants. Et Minus era lui aussi à deux doigts de véritablement contrôler le monde, avant que Cortex ne compromette tout. De quoi rééquilibrer un peu les forces au sein du duo.

Parmi les moments les plus magiques : un court épisode intitulé Schpiel-borg 2000 où Spielberg lui-même apparaît en version animée (sans la voix du monsieur, néanmoins), pour se vanter du succès de la série, avant que ne soit révélé la supercherie : ce n'est qu'un robot créé par Cortex. Minus appuie accidentellement sur un bouton qui active le mode destruction de la machine, et ce Spielberg finit par exploser. Un moment irrésistible et meta.

Tonton Spielberg

LE RECYCLAGE ÉTERNEL

Minus et Cortex ne sont pas les seuls à avoir bénéficié de cette excitation Animaniacs cher Warner, qui n'hésitera pas à tirer sur la corde avec Amblin avec un univers de personnages plus ou moins directement liés.

La série Freakazoid, parodie de super-héros dirigée par Bruce Timm et Paul Dini, est lancée dans la foulée, avec là aussi une envie de se moquer ou rendre hommage à des classiques du genre. Il y aura aussi The Plucky Duck Show, largement créé à partir de contenus déjà existants dans les autres séries. Et Minus et Cortex donnera elle-même naissance à Pinky, Elmyra and Brain par la suite, où le duo est adopté de force par une gamine vue dans Animaniacs. Ce sera le coup de trop, marquant la fin de cette époque.

Il suffisait d'infiltrer Disney pour conquérir le monde...

Et comme la vie (hollywoodienne) est un éternel recommencement, tout ce cirque va reprendre puisque Hulu (qui appartient désormais majoritairement à Disney) va rebooter le monde des Animaniacs. Spielberg sera de retour via Amblin Television, en collaboration avec Warner Bros. Animation. Deux saisons ont directement été commandées, et le producteur s'en est dit ravi : "Je suis si heureux et fier que les Animaniacs aient trouvé une nouvelle maison chez Hulu. Ensemble, avec Warner Bros., nous allons amener un nouveau public et de grands fans dans le monde fou de Yakko, Wakko et Dot. Je suis aussi très content que tout Animaniacs et Tiny Toon Adventures soit inclus dans l'accord."

C'est là qu'on se souvient du dernier épisode de Minus et Cortex, intitulé Star Warners, parodie de Star Wars avec toute la clique des Animaniacs - les pigeons en Stromtroopers, Dot en Leia, ou encore Wakko en Luke. L'histoire mettait en scène Minus et Cortex en R2-D2 et C-3PO, qui voulaient les plans de la Megastar pour dominer la galaxie, tandis que les méchants menaçaient de bouleverser la diffusion des programmes TV avec des émissions pas drôles. Depuis, Star Wars a été racheté par Disney, les Animaniacs vont revenir en partie grâce à Disney... et si quelqu'un a bien un plan pour conquérir le monde, c'est Mickey, non ?

Que la Farce soit avec toi jusqu'au reboot