Séries

Ulysse 31 : retour sur le space-opéra mythologique des années 1980

Par Mathieu Jaborska
28 juin 2020
MAJ : 21 mai 2024
Ulysse 31 : Affiche officielle

Presque 40 ans après sa première diffusion, on s'intéresse à une série d'animation culte, alliant science-fiction et mythologie. Ulysse 31 n'est-il culte que grâce à son postulat de base, forcément original ?

 

photo"Si seulement j'étais abonné..."

 

1981 L’ODYSSÉE DE L’ESPACE

Que reste-t-il des dessins animés des années 1980, sinon un culte de la nostalgie exacerbé ? Quand les vidéastes et autres spécialistes du rétro, à l’instar d’un certain gamer des combles, se penchent sur les madeleines de Proust de plusieurs générations fières de s’en revendiquer, c’est souvent pour pointer du doigt des faiblesses qui font forcément sourire aujourd’hui. Des animations léthargiques aux doublages étranges, en ant par les scénarios ineptes, beaucoup des douces aventures de nos enfances ne eraient pas un visionnage adulte.

Parmi elles, un sérieux candidat au titre de reine des années 1980 échappe à ces reconsidérations amusées et bénéficie encore aujourd’hui d’une communauté de fans presque plus engagée que les défenseurs du Snyder Cut. Plébiscitée depuis sa première diffusion en 1981 en , Ulysse 31 rappelle pour beaucoup les grandes heures de la télévision de cette période.

 

photoL'Odysseus

 

En 1977, Star Wars sort et il serait indécent de notre part de nous relancer dans un long texte rappelant l’impact culturel du film de George Lucas, propulsant le genre du space opera au firmament. De toutes les séries lancées à ce moment, Ulysse 31 est un des décalques les plus évidents. Il suffit de voir l’arsenal du personnage éponyme, affublé d’un bouclier et d’un pistolet laser qui peut se transformer en sabre laser. Excusée par ses inspirations mythologiques, la référence a de quoi am, d’autant plus que la texture des vaisseaux n’est pas sans rappeler le gris des croiseurs de l'Empire.

La télévision a toujours assumé de s’appuyer délibérément sur les titres à la mode, et Ulysse 31 ne fait pas exception, d’autant plus qu’elle peut compter sur d’autres qualités pour la démarquer. Akira, Detective Conan). Co-production binationale, Ulysse 31 est conçu à la fois par des Français et des Japonais, et le générique de fin le reflète bien.

 

photoThe Force is strong with this one

 

Un premier pilote est commandé. Ses designs, bien plus proches des succès animés japonais, ne convainquent pas. Aujourd’hui, Michi Himeno, voit donc le jour. C’est la version que l'on connait.

La série est par la suite, et selon le travail impressionnant de Hervé de la Haye, diffusée dès le 3 octobre 1981 sur FR3. Aujourd’hui visible sous la forme de 26 épisodes de plus ou moins 25 minutes, elle était découpée en mini-épisodes de 5 minutes, diffusés sur le célèbre créneau de 19h55. À la fin de chaque semaine, le samedi après-midi, chaque épisode était diffusé en intégralité. Difficile de tenir le compte des rediffusions par la suite : Ulysse 31 a tout de suite eu un succès monstre, ce qui l’a imposé comme un incontournable pendant de nombreuses années.

 

photoLa Sainte Trinité de 19h55

 

MYTHO-TECHNO-LOGIE

Il faut dire qu'il a des arguments pour lui. Il s’agit en effet bel et bien d’une adaptation sous la forme d'un space opera de l’Odyssée, l’épopée mythologique d’Homère. La proposition tombe bien dans une période où les parents aiment plonger leurs marmots dans des programmes dits éducatifs. Quoi de mieux pour initier les gosses aux grands auteurs grecs qu’une orgie de lasers et de synthés ?

Dans les grandes lignes, la série reprend le poème original. Ulysse (doublé par le grand Claude Giraud) est bien un capitaine de vaisseau, père de Télémaque et mari de Pénélope. Dans le premier épisode, il part de la base de Troie, mais son fils se fait capturer par la secte du cyclope, rejeton de Poséidon. Le bougre aveugle le monstre avec nettement moins de sang que dans le mythe, libérant ainsi Télémaque. Le Dieu de la mer lui impose donc une errance dans l’espace, où les pièges se comptent par milliers.

 

photoLe mac de la télé

 

Beaucoup d’épisodes narrent en simplifiant à l’extrême certaines des aventures les plus connues du personnage (les sirènes, Eole), tandis que d’autres préfèrent s’inspirer des noms, lieux ou caractéristiques pour raconter une histoire différente (Charybde et Scylla). La série réussit même à laisser à son héros la romance avec Calypso, bien sûr abrégée le temps d’un épisode, tout en préservant la fin tragique de leur histoire.

À noter également que l’univers convoqué ne nie pas les aventures du Ulysse classique, au contraire ! Un épisode met même en scène le voyage du Ulysse du 31e siècle dans le mythe original ! Un beau prétexte pour se mettre du côté de Pénélope pendant 25 minutes, qui soulève un paquet de questions, quand on y pense. Ulysse est-il conscient que ses aventures concordent étrangement avec les évènements qu’il considère en plus comme historiques ? S’inspire-t-il lui-même de l'Odyssée ? A-t-il délibérément appelé son fils Télémaque ? La télévision des années 1980 a ses raisons que la raison ignore…

 

photoShirka, version gentille du Mother d'Alien

 

Au-delà de ça, la série a l’audace de ne pas se cantonner au poème original, il est vrai assez difficile à adapter pour un public jeune. Elle pioche alors plus largement dans la mythologie grecque, évoquant Chronos, Sisyphe, le Minotaure et d’autres. Plus intrigant encore, elle fait quelques références à une culture plus récente. L’épisode Le Magicien Noir fait par exemple clairement écho aux Chasses du comte Zaroff.

Trompeur, Ulysse ? Pas vraiment. En confrontant une esthétique « best-of » science-fiction et une flopée de légendes diverses et variées, la série se fait théorie du monomythe et prouve au fond qu’on raconte toujours la même histoire. Le space opera ne serait-il finalement pas qu’une émanation moderne dans l’esthétique, classique dans la narration, des mythes d’antan ? Star Wars posait la question. Ulysse 31 dessine le point d’interrogation.

 

photoUn Minotaure sauvage apparait !

 

EDGE OF TOMORROW

Un grand Homme disait : « Je veux partir pour ne plus voir la nature humaine, je m'arrache comme Ulysse 31 ». Toute qualitative que soit la punchline, Kaaris ne s’est pas inspiré de ses meilleurs souvenirs. Loin de l’exilé volontaire, Ulysse e son temps à subir. Les péripéties se suivent et se ressemblent souvent.

L’Odysseus dérive dans l’espace, reçoit un appel ou quoi que ce soit qui l’attire sur une planète ou une base spatiale quelconque. Persuadés de pouvoir y trouver le chemin de la Terre, Ulysse et sa troupe débarquent, se font piéger, parviennent à en ressortir d’une façon ou d’une autre et manquent de peu un indice pour revenir chez eux. À la fin, le personnage qui les a piégés se repent, désolé d’avoir fait obstacle à la pureté du héros.

Comme la plupart des séries de l’époque, Ulysse 31 s’avère très répétitif, et parfois peu inspiré quand il ne brille pas par ses quelques trouvailles visuelles. Il faut toutefois bien comprendre que ce genre de programmes n’était pas exactement adapté au binge-watching répandu aujourd’hui, et que son intérêt réside plus dans la qualité de son animation, qui certes n’est plus très impressionnante aujourd’hui, mais qui était au-dessus de la moyenne à l’époque, et la découverte de nouvelles contrées.

 

photoQuelques très beaux designs

 

Vrai récit d’aventures précédent d’un an le sommet détenu par Les Mystérieuses cités d’or, le récit se permet de supplanter ses concurrents grâce à son principe, redoutable, mais aussi des personnages, il faut l’avouer, aussi attachants que niais. La profonde stupidité du protagoniste titre, prompt à tomber dans l’absolue intégralité des pièges qui se dressent devant lui, est contrebalancée par la présence de Thémis, extraterrestre aux facultés mentales bien utiles à l’intrigue.

La jeune fille cristallise un aspect dramatique assez efficace grâce à sa relation avec son frère, immobilisé comme les autres membres d’équipage. Les quelques épisodes où Noumaïos et Nestor s’éveillent ne font que faire ressentir leur perte dans les autres, et aggraver le sentiment de solitude du trio de tête.

Autre personnage attachant : Nono le petit robot, qui a le droit à son propre couplet dans la chanson du générique. Si son rôle est bien évidemment d’am la galerie, il n’est jamais inable, un exploit pour l’époque, et il est surtout véritablement utile à la narration. C’est d’ailleurs lui qui aveugle le cyclope dans le premier épisode. Logiquement, il sera retenu par le grand public français comme une des mascottes les plus iconiques des séries d’animation des années 1980, un statut amplement mérité.

 

photoLe fou du roi

 

Alors, que reste-t-il d’Ulysse 31 ? Des hordes de fans qui continuent à échanger à propos de la série et de sa musique, désormais culte, sur les réseaux sociaux ; des artistes qui se réapproprient l’univers développé par Jean Chalopin, et un héritage conséquent. La preuve : l’auteur de ces lignes n’est pas né avant 1981, mais il a grandi au rythme des aventures d’Ulysse, comme beaucoup d’autres avant et après lui.

Aidé par un doublage all stars (Giraud, Jean Topart, what else ?), Ulysse 31 s’est imposé dans l’imaginaire collectif grâce à des idées fortes et des qualités indéniables. En dépit de quelques défauts qui empêchent d’y goûter trop goulûment, il justifie un nouveau visionnage. Peu sont les productions du genre à pouvoir en dire autant.

 

Affiche officielle

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Serievore
Serievore
il y a 4 années

Dirtyharry, qui arrive a cite Juliette je t aime dans les chefs des dessins animes des annees 80.
Bon bah tout est dit la :).
Ne pas confondre bon souvenir avec qualite.

Emynoduesp
Emynoduesp
il y a 4 années

Superbe serie.
Seuls bemols, episodes trop courts! 20mn pour de si belles histoires, c est comme monter un film de Snyder pour que l’histoire tienne en 2h :’)
Et puis la blague de fin d episode, on n y avait pas toujours droit, mais qu est ce que c etait pourri, le lot de beaucoup de series de l epoque…finir sur un fou rire a peine force suite a une vanne a peine moisie…

Dirty Harry
Dirty Harry
il y a 4 années

Homère toujours branché dans le turfu !
Je pense qu’on a vécu un âge d’or niveau dessin animés de 80 à fin 90 aujourd’hui ils sont plus agressifs ils ont tous la même morale et les personnages ne sont pas attachants.
Entre Ken le survivant, Sherlock Holmes, Mobile Suit Gundam, les Trois mousquetaires, Ulysse 31, Les mondes engloutis, Pole position, Chevaliers du Zodiaque ou Juliette je t’aime on a eu une mega dose d’animés variés et pour le coup réellement divers.
Un alliage du génie japonais et européen qui a pu produire ces merveilles.

lemon0
lemon0
il y a 4 années

Non seulement ça a bien vieillit mais en plus, je le regarde avec mes filles (5 et 10ans) qui aiment !
J’ai acheté une tonne de coffret DVD à l’époque du lancement d’une chaine de vente en ligne au début des années 2000 (cdxxxxnt) et, franchement, Ulysse 31 ça reste un must. Je mets aussi Cobra et Albator (qui ent tous leur temps à picoler), les cités d’Or, Capitaine Flam (un petit coup de vieux mais ça va), Chevaliers du Zodiaque. Par contre, Goldorak a souffert à mon grand regret, j’adorais ça !

Free Spirit
Free Spirit
il y a 4 années

pas d accord; mes parents n avait pas la tv en couleur !!! je vais pas te raconté ma vie ; mais mes parents n était pas très riche; enfin c est pas le sujet…

gege le vrai
gege le vrai
il y a 4 années

je vois pas pk vous pleurer le film cobra existe et il est très bien comme ça pas besoin d’une adaptation à la con

Davmey
Davmey
il y a 4 années

Cobra ne ressemble ni de près ni de loin aux gardiens de la galaxie, mais c’est Aja qui a ve du le projet comme tel pour espérer trouver des financiements. Avec le recul, heureusement qu’il a échoué. Je n’aurais pzs é de voir Cobra transformé en un des pire films Marvel. Et puis bon, Cobra ne fait équipe que dans trous ou quatre épisodes…

zimmerfan
zimmerfan
il y a 4 années

cobra le film a été annuler a cause de son univers trop proche des quardiens dela galaxie!
c vrai que c dommage,j’adorais aussi le dessin anime.et a l’epoque on parlait de
Bradley cooper pour le role!!putin ca aurait été cool…

Marc
Marc
il y a 4 années

Une de meilleure série de ma jeunesse, un graphisme inégalé pour l’époque. La série que je préfére est COBRA SPACE AVENTURE . Une adaptation était envisagé de COBRA par Alexandre Aja mais a été annulé pour une raison que j’ignore .

Pat Rick
Pat Rick
il y a 4 années

J’en garde un très bon souvenir.