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The Insider : critique d’un jeu d’espions qui finit mal

Par Geoffrey Crété
12 mars 2025
MAJ : 13 mars 2025

Quelques semaines après son Pierce Brosnan. A découvrir au cinéma dès le 12 mars.

© Universal

TAUPE MODEL

Steven Soderbergh a déjà tourné avec Cate Blanchett et Michael Fassbender, a déjà travaillé avec le scénariste David Koepp (Kimi, Presence), et il a déjà touché à l’espionnage dans The Good German (avec Cate Blanchett) et Piégée (avec Michael Fassbender). Du haut de sa trentaine de films, de sa Palme d’or pour Sexe, mensonges et vidéo et de son Oscar du meilleur réalisateur pour Traffic, l’homme qui a pris une fausse retraite en 2012 peut donc donner l’impression de se reposer sur ses lauriers.

C’est d’autant plus évident avec The Insider qui repose sur une formule archi-connue : une chasse à la taupe dans le milieu de l’espionnage, avec un agent secret expert dans l’art de traquer les mensonges, qui commence à questionner la loyauté de sa collègue et épouse. La présence du scénariste David Koepp (Mission : Impossible, Panic Room, Jurassic Park) était un autre gros signal, sans même parler du titre « français » (c’est-à-dire un autre titre anglais, mais avec zéro personnalité).

The Insider a donc l’air d’un énième petit film d’espions. C’était sans compter sur la touche Soderbergh, probablement capable de faire de meilleurs films que beaucoup de ses collègues même en étant à moitié endormi.

SÉVICE DE TABLE

La touche du scénariste David Koepp est sûrement simple à pister puisque The Insider aligne tous les lieux communs du film d’espionnage. Il y a les bureaux high-tech et la salle de surveillance blindée d’écrans, les voyages à l’étranger et le charabia pseudo-compliqué, et les personnages aussi chaleureux qu’un parpaing en imperméable. Rien ne dée (puisqu’il y a un vrai savoir-faire technique), mais tout ça échouerait à n’importe quel test personnalité (puisqu’il n’y en a pas, justement).

Pourtant, dès que la machine s’arrête, le vrai film commence. Ce n’est pas un hasard si les meilleures scènes de The Insider sont construites autour d’une simple table à manger qui se transforme en champ de bataille, pour ouvrir puis clore l’enquête. Les questions sont des armes pointées sur les autres, et les mots des balles capables de faire vaciller l’adversaire. Le dispositif est simple mais la mécanique, jubilatoire. Et la mise en scène de Steven Soderbergh, d’une élégance folle.

C’en est presque cocasse puisque le cinéaste ne semble jamais autant s’am que lorsqu’il filme ses personnages assis, à se fixer, se tester, se jauger, et se jouer les uns des autres. Et au-delà de l’impeccable couple de stars, il peut compter sur le talent de Marisa Abela, Tom Burke et Naomie Harris pour dynamiser ces échanges.

The Insider
Table de chasse

L’ESPION QUI MERDAIT

Il y a presque quelque chose de David Fincher dans ce Steven Soderbergh glacial, et la présence de Michael Fassbender y est pour beaucoup. Il était parfait en bloc de glace de The Killer, et il est parfait en bloc de béton dans The Insider. Cate Blanchett et lui prennent un malin plaisir à jouer avec une nonchalance classieuse : elle remue sa perruque avec l’assurance de ses deux Oscars, et il trimballe sa mine de sociopathe expérimentée sur quelques films comme Jobs et Prometheus.

Tout ce beau monde s’amuse dans le petit bain de The Insider, en ayant forcément conscience que ce n’est qu’une parenthèse mineure. Aucun danger, aucun enjeu, aucun risque et aucune merveille dans l’exécution, la faute à une intrigue qui se prend les pieds dans le tapis. Et c’est bien ça le problème : comme dans Presence, le laborieux scénario David Koepp ne tient pas ses promesses et se termine en eau de boudin, probablement parce qu’il délaisse les importants détails de cette affaire (la babiole technologique apparemment capable de semer le chaos, les motivations psychologiques de ces personnages à la libido débordante).

The Killer + Jobs = The Insider

Réalisateur, directeur de la photographie (sous le pseudo Peter Andrews, en hommage au nom de son père) et monteur (sous le pseudo Mary Ann Bernard, le nom de sa mère), Steven Soderbergh assure heureusement jusqu’au bout la mission pour éviter le naufrage de l’insipide. Et l’irrésistible musique de son fidèle David Holmes (Hors d’atteinte, Ocean’s Eleven, Piégée) permettrait presque de faire avaler la pilule des 50 millions investis là-dedans.

C’est le plus gros budget du réalisateur depuis belle lurette, probablement depuis Contagion sorti en 2011. Ça fait donc beaucoup de talents et de thunes pour pas grand-chose, si ce n’est un modeste plaisir et une énième preuve que Soderbergh est définitivement insaisissable et incompréhensible. Mais jamais inintéressant, au fond.

The Insider
Rédacteurs :
Résumé

Certes, c’est un film d’espionnage un peu facile et un Steven Soderbergh assez mineur. Mais c’est suffisamment bien troussé pour être un réjouissant petit plaisir dans le genre.

Autres avis
  • Alexandre Janowiak

    Steven Soderbergh s'amuse avec les jeux de manipulations classiques du film d'espionnage pour mieux sonder les mensonges, (in)fidélités, secrets et dévouements du couple dans The Insider, thriller jubilatoire, aux dialogues savoureux et d'une précision clinique.

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Flo1
Flo1
il y a 2 mois

Aors le titre original de ce film est « Black Bag »… et le titre pour son exploitation en , c’est le même que… le titre original de « Révélations » de Michael Mann… 
Confus ? Bienvenu chez les espions !

Vous vous souveniez de la fois où Steven Soderbergh avait pris sa retraite de cinéaste ? Déjà un coup de bluff après avoir peiné à monter « Ma vie avec Liberace », l’obligeant à aller sur HBO. Et faire un petit caprice d’auteur en se reconvertissant dans des séries télé (un bon moyen pour faire ses expérimentations)… pour mieux revenir aux long-métrages, mais pas toujours sur grand écran, et pas toujours avec une caméra – « Paranoïa », tourné à l’iPhone, en quelques jours.
Quoiqu’il en soit on a un réalisateur qui a le luxe d’enchaîner les films tel un auteur/artisan des années 40, 50, 60, avec savoir faire, rapidité (un par an, voir plus). Et les mêmes idées esthétiques et thématiques à l’intérieur, véhicules luxueux, intellos et/ou sensitifs, pour grosses stars bien contentes d’être là… objets filmiques quasiment tous roublards, tournants autour de supercheries et autres poudres aux yeux. Plus plaisants que révolutionnaires.

Cet « …Insider » ne déroge pas à la règle, sa confection donnant l’impression que Soderbergh s’est contenté de mettre dans un shaker un paquet d’éléments très reconnaissables, puis de former un Tout cohérent : Retrouver Cate Blanchett et Michael Fassbender pour à nouveau un film avec des espions, fastoche. Retrouver au scénario David Koepp, qui a écrit un « Mission : Impossible » et autres machines à suspense, normal. Avoir au casting deux générations d’acteurs des James Bond (Pierce Brosnan et Naomie Harris), c’est amusant. Avoir aussi Tom Burke et Regé-Jean Page, c’est citer deux acteurs faisant partie des pronostics des fans pour le futur James Bond.
Et avoir deux personnages principaux qui sont espions Et époux, c’est faire référence à « Mr et Mrs Smith », et à cette amusante idée consistant à explorer la vie d’un couple obligé de ne rien se dire, parce que leur travail doit être secret, cloisonné par sécurité… En plus de se faire peut-être des cachotteries dans la vie civile – c’est même énoncé par le personnage de Marisa Abela, dans un des quelques moments fâcheusement didactiques du film.
Mais quitte à citer des « …Smith », autant citer Alfred Hitchcock. Pas pour sa seule comédie, traitée au premier degré – donc un peu plate – mais aussi pour les plus emberlificotés « Soupçons », « Les Enchaînés », et avant ça « Quatre de l’espionnage »… et c’est vrai que Fassbender, dans sa version raide et intello, a des faux airs de John Gielgud. 
Trop de références venant en tête = trop d’évidences ? Ou bien est-ce un jeu de piste réservé aux seuls cinéphiles ?

Peu importe : si Soderbergh nous livre un bel opus cinématographique, il ne faudra attendre que le début de la deuxième scène pour révéler à quel film on va vraiment assister – après un début en plan-séquence, racontant à lui seul l’importance du point de vue (comme dans son précédent « Presence »)… tout en dissertant à propos de la monogamie.
Pas réellement un film d’espionnage garni de quelques réflexions comico-dramatiques pour ses protagonistes… mais l’inverse, une comédie dramatique, qui se trouve être également un film de barbouzes, majoritairement en huis clos entre maison (chaude) et bureaux (froids), où les coups les plus rudes sont portés verbalement – à peine deux petites scènes violentes à signaler. Preuve en est ce long dîner à trois couples, biaisé dès le début puisque on y fait déjà la chasse à la taupe, la nourriture étant légèrement droguée tout en étant cuisinée avec grand soin par un maniaque du contrôle – d’ailleurs, même la bouffe a son importance dans ce film, il n’y a qu’à voir le plat que finira par commander Brosnan, très révélateur de sa personnalité. Bref, une soirée banale et snob, entre des sortes de cadres sup’ bien friqués, des as de l’analyse et/ou de la psychologie, au jargon technique abscons. Mais avec quand-même des convictions personnelles, qui participeront à l’évolution de l’intrigue. 
Et ça vire aux règlements de compte, mêlé à une fascination pour le couple-hôte, sa réputation sans failles, sa supposée facilité à concilier travail et privé… Jeux manipulateurs obligent, le sexe est vite présent dans les dialogues, tous concoctés comme des scuds assassins balancés par un groupe de jeunes envieux, face à leurs aînés imperturbables et coriaces. Le tout visualisé de façon encore plus somptueuse qu’un « Ocean’s Eleven » – Hop, un enchaînement de plans divers sur une table en contre-plongée. Cool, les lumières qui se reflètent dans les lunettes de Fassbender (sur les montures, pas les verres) au moment où il titille ses invités.

Qui baise qui, là dedans ? Est-ce qu’on doit croire chaque information énoncée par un personnage, ou bien la remettre immédiatement en question ?
Gardons ça dans un coin de notre tête, et laissons nous emporter en attendant d’avoir les détails de l’intrigue les plus « pertinents ». Bien aidé par Michael Fassbender comme élément central, froid besogneux post-Fincher, référent concret pour le spectateur, qui va méditer en allant pêcher des poissons plutôt que des informations (il est tellement bon que celles-ci viennent direct à lui)…
Et dont on attend bien sûr les moments où son assurance va se fissurer – l’évocation d’une tromperie paternelle (on croirait un épisode de la vie de Brian de Palma) ? Même pas… 
Une séquence avec un détournement de satellite ? Là par contre, ça va être chaud.
Pendant que Cate Blanchett remue des cheveux, en femme insaisissable et parangon de cynisme. D’abord désignée comme possible antagoniste, et puis ensuite…
Parce qu’on reste bien dans du Hitchcock, c’est à dire qu’une clé de programmation n’est évidemment qu’un prétexte. Les machinations, le compte à rebours journalier avant une catastrophe, idem. Mais en plus, il y a quelque chose d’assez sarcastique à voir des individus plus préoccupés par la nécessité de protéger leur cul, plutôt que par la géopolitique et le sort du Monde… 
Ici, les patriotes proactifs à la Churchill s’en prennent plein la figure. Et la désillusion des héros de John le Carré et Joseph L. Mankiewicz, on la balance aux oubliettes.

Au final, qu’est-ce ce qu’on nous raconte donc là ? Évidemment, les rapports modernes entre hommes et femmes au travail, intimes et professionnels, proches et séparés à la fois. Comme l’a régulièrement montré Soderbergh, depuis ses tous débuts. Avec une belle exigence dans ses mouvements, ses cadrages, son (propre) montage, sa (propre) lumière… 
Et une fois arrivé à destination (le plan d’ensemble est finalement assez simple et prévisible), on remballe tout, petit à petit, tout ça sans fioritures – 1 h et demi seulement, classique et mineur on vous dit. Ses scènes se répondant les unes les autres, le film en devient presque un palindrome.
Surtout, Soderbergh bouscule cette règle (non-écrite) : au cinéma, quand on base un film sur un couple, c’est toujours plus intéressant de les voir en difficulté, se disputer et n’être d’accord sur rien. Drame conjugal, pour le versant sombre… Comédie conjugale, pour le versant joyeux…
Mais si par contre, on a un couple qui fonctionne finalement très bien, sans qu’il n’y ait de gros problèmes entre eux… comment on fait pour que ça ne soit pas rasoir ? 
Réponse : en les montrant unis contre le monde entier. Des âmes soeurs aux nerfs d’acier, assumant leur égoïsme, pas trop malhonnêtes non plus, et détestant les médiocres. 
Et s’ils sont assez tordus pour manipuler et bouffer tout crû ceux qui viennent leur chercher des noises, c’est encore plus drôle et jouissif.

Un délicieux moment à er, au milieu d’un gang de requins.

Dario De Palma
Dario De Palma
il y a 2 mois

Un scénario nébuleux aux enjeux guère impliquants, un visuel moche et des acteurs figés comme le visage de Cate Blanchett, le film aurait pu être ludique mais il s’enlise dans des scènes verbeuses interminables et désincarnées. Steven Soderbergh et David Koepp nous ont habitués à mieux, un petit film assez creux qui ne restera pas dans les mémoires..

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 2 mois

😴Zzzzz zzzzz

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 2 mois

Du déjà vu et revue un virus sur une clé USB est vendu . Qui est la taupe de la société etc….
THE INSIDER ☆