Films

Avant Bonnie and Clyde, le premier grand couple criminel du cinéma américain est dans Gun Crazy

Par Léo Martin
19 novembre 2024
MAJ : 20 novembre 2024
© Canva United Artist

Œuvre phare du film noir, à la grande influence sur le cinéma hollywoodien moderne, Gun Crazy est aussi la remarquable fable criminelle d'une malédiction américaine.

En 1950, Gun Crazy (Le Démon des Armes, en français) de Joseph H. Lewis sortait dans l’indifférence générale, englué à une étiquette de série B. Contraint par un budget serré et la censure du Code Hays, ce thriller hors-norme se voyait limité dans sa représentation de la violence et de l’érotisme. Deux sujets que le long-métrage parvient toutefois à exprimer dans ses angles morts.

Écrit par Dalton Trumbo, qui était blacklisté à Hollywood (on est à l'époque du Maccarthysme), Gun Crazy est un film contrariant. Il évoque des thèmes qui ne flattaient pas l'Amérique et porte toujours en lui l'ADN d'une forte rébellion face au puritanisme. Pour ces raisons, cette série B a laissé une empreinte et s'est distinguée par de nombreuses qualités. Aujourd’hui, son influence est indéniable. Elle est, notamment, le précurseur du légendaire Bonnie and Clyde d’Arthur Penn (1967), instigateur du Nouvel Hollywood qui brisa justement de nombreux tabous.

Annie portait déjà l'iconique béret de Bonnie

L'art du film noir

Gun Crazy avait de nombreuses raisons d'être précipité dans l'oubli, à son époque. Son portrait provocateur d'un couple de criminels emportés par leur ion appelait à l'empathie du spectateur. À l'inverse de beaucoup de films de gangsters du cinéma américain, la tragédie de ces antihéros n'avait soudain pas seulement vocation à montrer le mauvais exemple, mais à les humaniser, même en tant que bandits.

Le film de Lewis, donc, raconte le parcours de Bart Tare (John Dall), un jeune homme obsédé par les armes à feu, mais incapable de tuer. Sa vie bascule lorsqu’il rencontre Annie Laurie Starr (Peggy Cummins) tireuse d'élite d'une foire ambulante. Pour lui plaire, il ret la troupe et l'attraction entre les deux fous de la gâche se fait très vite irrésistible. Tragiquement, leur ion devient aussi le carburant d'une double quête fatale : celle de la richesse et du grand frisson. Une spirale qui ne peut qu'aboutir à l'anéantissement.

Un sens du clair-obscur typique qui magnifie le noir et blanc

La première chose qu'il faut noter c'est que Gun Crazy, avant d'être un film d'amour ou de banditisme, est un film noir. On y retrouve un déterminisme désespéré, un regard cynique sur la société et ses faux-semblants, ainsi que des archétypes les plus classiques. L'archétype de la femme fatale, en particulier, n'y échappe pas. Annie, notre protagoniste, apparaît comme une séduisante tentatrice qui poussera Bart dans les pires dérives de ses addictions (ici, les armes à feu) avant de l'emporter dans une balade mortelle où le danger se payera contre le désir.

Lewis est un bon élève du genre du film noir, il en connaît bien les mécanismes. Il en a fait plusieurs avant Gun Crazy, comme le Maître du Gang (1949) ou So Dark the Night (1946) et il ne se prive pas d'aller puiser chez les autres. L'idée d'une foire ambulante où le héros va aller dénicher sa perte et y révéler ses vices fait d'ailleurs penser au Charlatan de Edmund Goulding (1947) – la première adaptation du roman dont sera tiré l'excellent Nightmare Alley (2021) de Guillermo Del Toro. Toutefois, si Gun Crazy s'est démarqué de la filmographie de Lewis à travers l'histoire du cinéma, ce n'est évidemment pas pour ses qualités de bon élève. Mais pour son inattendue subversion.

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Mathilde T
Mathilde T
il y a 6 mois

Il me semble avoir lu que ce film a été financé par une boite de production créée afin de blanchir l’argent de mafieux …